De son vivant est né d'une double envie d'Emmanuelle Bercot : réaliser un mélo et écrire pour Catherine Deneuve et Benoît Magimel. La cinéaste a alors pensé à une histoire centrée sur une mère qui perd son fils mourant. Puis, une rencontre des plus inattendues a permis au projet de se concrétiser. La réalisatrice se rappelle :
"Et il s’est produit cette chose, ce hasard, qui n’en est évidemment pas un, c’est que le Dr Sara, qui joue le cancérologue dans le film, a assisté à une projection à New York de La tête haute. Il a fait la queue après pour me parler et me dire que ce qu’il avait vu dans le film et ce que j’avais dit dans le débat qui avait suivi, lui laissait penser que je pourrais être intéressée par le travail qu’il faisait dans les "tranchées du cancer", c’est ce terme qu’il a employé."
"Et il m’a invitée à ce qu’on se revoie pour en parler. Le bonhomme, c’est évident quand on a vu le film, est extrêmement sympathique, lumineux, chaleureux, j’ai donc été assez saisie par sa proposition. Mais surtout j’ai fait immédiatement la connexion avec mon idée de mélo, et comme je crois aux signes... Je n’ai pu retourner à New York, où il travaille, qu’un an plus tard car je terminais un autre film ; mais cette idée ne m’a jamais quittée."
En jouant son propre rôle, le docteur Gabriel Sara voulait partager son message philosophique en cancérologie. Il confie : "Mais quand on m’a proposé de jouer dans le film, j’ai flippé complètement, j’étais heureux mais flippé. Alors comme j’ai bien connu Emmanuelle et que j’ai une confiance très profonde dans son jugement, je me suis dit "elle connaît mieux que moi ce métier donc si Emmanuelle me propose de jouer dans ce film c’est que probablement je serai capable de le faire, avec son aide"."
Emmanuelle Bercot désirait avant tout faire un mélo, ce qui a tout de suite évacué une certaine volonté d'"ultra-réalisme" qu'elle a pu avoir pour certains de ses précédents films. La cinéaste explique : "C’était un parti pris tout à fait assumé de ne pas être dans une restitution documentaire des services hospitaliers français et de leurs difficultés. Tant que la parole du médecin était vraisemblable et juste, il était clair pour moi que le propos du film n’était pas de rendre compte de l’état de la cancérologie en France, ni de la souffrance physique des malades."
Quasiment tout le personnel hospitalier que l'on voit dans le film jouent leur propre rôle. Emmanuelle Bercot précise : "C’était important car, dans les gestes de soins, dans la présence, dans la façon de se déplacer dans les couloirs, quand ce sont des acteurs on sent quelque chose qui n’est pas tout à fait juste ; d’où l’intérêt de vrais soignants. Bien sûr, j’avais avec moi le Dr Sara qui était là pour valider un peu tout ce qu’on faisait sur le plan médical, mais c’était quand même très encourageant et très joyeux d’avoir tous ces personnages réels qui témoignaient retrouver la vérité de le quotidien dans ce service de fiction."
Avec De son vivant, Emmanuelle Bercot retrouve son actrice fétiche Catherine Deneuve après Elle s'en va (2013), La Tête haute (2015) et La Fille de Brest (2016) (elles se sont aussi donné la réplique dans Fête de famille de Cédric Kahn). La réalisatrice fait également à nouveau tourner Benoît Magimel après La Tête haute et La Fille de Brest. A noter également que Deneuve et Cécile de France étaient au casting de la comédie Mes stars et moi (2008).
Emmanuelle Bercot, qui a cherché à concevoir un film beau d'un point de vue esthétique, ne voulait pas que Benoît Magimel ait l’apparence d’un homme détruit par la maladie. Elle raconte : "Je ne voulais surtout pas que le spectateur puisse avoir du mal à supporter de le regarder, même à l’approche de la mort. Ce n’était pas le propos du film ; le propos ce sont les émotions, les sentiments, pas les ravages physiques de cette maladie. Il fallait le voir décliner bien sûr, par plusieurs paliers, mais sans aller jusqu‘à ce qu’on peut connaître de la destruction physique extrêmement spectaculaire et horrifiante de cette maladie."
Dans De son vivant, Cécile de France incarne l’assistante infirmière du cancérologue Gabriel Sara, un métier qui n’existe pas en France. Un choix assumé par Emmanuelle Bercot : "La dimension romanesque de ce personnage, l’emporte sur toute préoccupation réaliste. Eugénie, qui est le vrai prénom de l’assistante du Dr Sara, nous a inspiré ce personnage. Pour sa part professionnelle bien sûr. Le reste est totalement inventé pour la bonne cause du mélo ! Ils forment un vrai duo, tous les deux."
Dans le film, le docteur Gabriel Sara évoque le terme de "directives anticipées", cette possibilité qui permet à chacun d’entre nous d’exprimer ses dernières volontés. Emmanuelle Bercot explique : "Je me suis renseignée et j’ai appris qu’en France, il y a des formulaires que l’on peut remplir et transmettre ou laisser chez soi. Ça me plaisait de donner cette information, dire que cela existe et qu’il faut y penser parce que c’est important. Mais c’était aussi un fusible du mélo ; que Benjamin ait signé ça, dit qu’il accepte de partir. Et c’est ce qui fait céder Crystal, grâce à cette phrase que prononce le Dr : "c’est notre tour d’accepter ce que lui a accepté déjà"."
En novembre 2019, Catherine Deneuve a été victime d'un AVC, ce qui a conduit Emmanuelle Bercot à arrêter le tournage de De son vivant. Les prises ont encore été décalées à cause du Covid-19 et ont pu reprendre durant l'été 2020.
Dans la réalité comme dans le film, le docteur Gabriel Sara accompagne autant le patient en fin de vie que ses proches, comme l'explique Emmanuelle Bercot : "Il m’a expliqué que ça ne servait à rien de faire un travail avec le malade si on ne fait pas un travail avec la famille. C’est vraiment un travail conjoint, parallèle, indissociable. Il pense que si une famille n’accepte pas le départ de quelqu’un, la personne en question va avoir du mal à partir ; si on lui donne la permission de mourir, elle va partir plus apaisée."
Pour se préparer, Benoît Magimel a visionné des documentaires sur la maladie et échangé avec une cancérologue. L'acteur a aussi assisté à des consultations de manière très confidentielle. Il se souvient : "L’un des patients dont j’ai le souvenir était dans le déni face à sa maladie. Il venait prendre état de l’évolution de son cancer ; un homme d’environ 70 ans en forme, très vivant mais il ne parlait que d’un vieux problème de tendinite."
"Ce monsieur est parti sans prendre connaissance de ses résultats, sans même y penser. Le hasard a fait qu’il était le père d’une amie. Six mois plus tard lorsque j’ai compris qui il était, il avait cessé de se battre et en quelques semaines c’était terminé. Je l’ai revu avec ses filles dans sa chambre à l’hôpital. La transformation était telle qu’il était à mes yeux méconnaissable."
Pour les besoins du rôle, Benoît Magimel a perdu une soixantaine de kilos en trois fois en raison des deux arrêts de tournage liés aux problèmes de santé de Catherine Deneuve et au Covid. L’acteur compare sa préparation à celle d’un sportif de haut niveau, avec "une pression de dingue" et la peur de "ne pas être pris au sérieux". "C’était l’angoisse. J’ai une quarantaine d’années, donc c’est plus difficile de perdre du poids. J’ai dû faire 3 régimes et du matin au soir, vous ne vivez que là-dedans."