Mystère : les secrets du tournage

Désireux de s’éloigner de la ville et de ses nuisances, Denis Imbert était à la recherche d’une histoire consacrée à la nature. C’est son producteur Fabrice Denizot qui lui a raconté l’histoire vraie d’une petite fille à qui l'on offre un chiot qui s’avère en réalité être un loup. « J’ai tout de suite senti le potentiel émotionnel de cette relation. La connexion au "vivant". J’en ai parlé à mes producteurs Clément Miserez et Matthieu Warter, ils m’ont dit "c’est ce film que nous voulons faire avec toi" », raconte le réalisateur.

Pour Denis Imbert, même si Mystère s’adresse aux enfants, il ne pouvait pas traiter son histoire sous l’angle de la fable : « Avec le loup comme protagoniste de départ, c’était la possibilité d’aborder un thème actuel et réaliste, très controversé, donnant lieu à de fortes polémiques, c’est un sujet qui déclenche des passions. Lorsque l’on vit en ville, on ne se rend pas compte à quel point le loup est présent dans beaucoup de nos régions. » Il a choisi de situer son récit dans une région d’élevage d’ovins où le retour du loup pose des problèmes aux éleveurs.

Le réalisateur souligne l’évolution de la perception que l’on a de cet animal sauvage : « La vision du loup, malgré ses détracteurs, est en train de changer dans nos mentalités, même au coeur du monde rural. Dans les contes modernes, le loup n’a plus le rôle de la bête du diable, belliqueuse, sanguinaire et dévoreuse d’enfant… […] Il est temps que l’on comprenne que nous devons être dans une "cohabitation diplomate" (cf Batiste Morizot – écrivain et maître de conférence en philosophie à l’université d’Aix-Marseille) avec le loup et non plus dans un principe de "domination domestique"».

Après Vicky, comédie portée par Victoria Bedos, Denis Imbert change de registre avec Mystère. Un film familial qu’il a pu faire en étant épaulé par son fils : « je l’ai beaucoup sollicité, à plusieurs étapes : de l’écriture du scénario, aux premiers montages, même sur le casting des enfants… C’est assez magique et exceptionnel de vivre ça. » Pour autant, il était important pour lui de ne pas infantiliser son propos et de signer ce qu’il qualifie de « conte réaliste » : « Parfois, je reproche aux films de ce genre "familial", d’entretenir une vision du monde un peu simpliste et irréel. Je crois que les enfants apprécient qu’on les prenne au sérieux. »

Lors des repérages, l’équipe a trouvé une réserve dans les Pyrénées dans laquelle, fait rarissime, il y avait une louve en gestation. Ses louveteaux sont nés le 17 mai 2019. Dès que cela a été possible, ils ont été emmenés en Sologne chez la dresseuse Muriel Bec. Guidés par cette dernière, Shanna Keil, Vincent Elbaz et le réalisateur ont entrepris ce qu’on appelle un travail d’imprégnation. Denis Imbert précise : « Il faut savoir que, si un être humain se connecte avec un petit loup dès ses premières semaines, ce louveteau le gardera toute sa vie en mémoire. C’est ce que nous avons fait… L’imprégnation représente un travail colossal, qui requiert énormément de patience, et de temps, sans aucune garantie de résultat. » L’imprégnation a particulièrement marché entre la jeune actrice et les loups, une véritable chance pour le metteur en scène : « J’ai beau être directeur d’acteurs, je ne peux pas créer en donnant des indications de jeux, une complicité entre Shanna et le loup. Mon travail reposait sur la réussite de ce lien entre eux. C’était le coeur de cette relation que je voulais filmer. La magie a opéré, encore aujourd’hui leur lien est extraordinaire, j’avoue que cela a dépassé toutes mes attentes… »

Pour trouver l’interprète de Victoria, l’héroïne de Mystère, l’équipe a mis une annonce sur internet qui a obtenu 2000 candidatures. Une centaine de vidéos a été visionnée et une vingtaine de petites filles ont été auditionnées. Au final, trois fillettes ont été sélectionnées et ont été mises en contact avec des loups tchèques, une race de chiens loups très impressionnante. Shanna Keil, qui fait ses premiers pas devant une caméra, est celle qui a eu le meilleur contact avec eux. « Elle leur ressemble. Elle est réservée, observatrice, instinctive et assez sauvage. En fait, je pense qu’elle est le huitième loup de ma meute. Elle s’est d’ailleurs tellement bien entendue avec ceux du film qu’elle retourne les voir régulièrement », confie le réalisateur.

Le loup de l’histoire vraie qui a inspiré le film s’appelait Mystère. Denis Imbert a décidé de conserver ce nom, qui permet également de donner un double sens à la scène dans laquelle Victoria demande à Bruno quel est le nom du chiot et qu’il lui répond : « Mystère ».