Une équipe de rêve : les secrets du tournage

Le 11 avril 2001 se déroulait dans le stade de Coffs Harbour en Australie la 3e journée du groupe 1 des éliminatoires de la Coupe du monde 2002, dans la zone Océanie. Les Socceroos (l’équipe de football australienne) s'opposaient à l’équipe de football des Samoa américaines et lui a infligé un score de 31 à 0, établissant le record du monde de la plus large victoire lors d'un match de football international de Coupe du monde. Il aura fallu dix ans à l'équipe samoane pour décrocher ensuite une première victoire internationale, en novembre 2011, lors des qualifications pour la Coupe du monde de la Confédération Océanienne de Football (OFC).

La défaite historique des Samoa américaines a inspiré deux réalisateurs anglais, Mike Brett et Steve Jamison, à réaliser en 2014 un documentaire sur l'équipe, lui aussi intitulé Une équipe de rêve. Les droits d'adaptation de ce film ont ensuite été acquis par Jonathan Cavendish et Andy Serkis, respectivement producteur et producteur délégué du film de Taika Waititi, pour en faire un long-métrage de fiction. Brett et Jamison sont d'ailleurs crédités comme producteurs.

Il a fallu attendre quatre années avant que Taika Waititi soit disponible et que les producteurs confient le film à Searchlight Pictures pour un tournage à l'automne 2019 à Oahu, à Hawaï. Pendant tout ce temps, le cinéaste a gardé intacte sa passion et son investissement pour ce sujet : "Cela a toujours représenté pour moi un projet spécial. C'est l'histoire feel-good ultime sur des outsiders."

"Tout au long du processus, la priorité absolue de Taika a été la recherche d'authenticité, notamment dans la représentation de la culture polynésienne", explique le producteur Garrett Basch. "Nous avons prêté une attention particulière à chaque aspect de la production – qu’il s’agisse du casting, des costumes ou des décors - afin de garantir la représentation la plus authentique possible du peuple samoan américain et de son environnement."

Taika Waititi a pu compter sur les acteurs pour garantir l'authenticité du film : "Une grande partie des comédiens qui interprètent les joueurs de l'équipe sont des amis. Je les connais de la Nouvelle-Zélande et de Samoa. Il était important qu'ils soient là pour préserver leurs spécificités culturelles. Je pouvais toujours compter sur eux pour me faire savoir si ce que j’entreprenais manquait d’authenticité ou de justesse."

Taika Waititi confie : "Nous avons abordé le film comme une sorte de projet familial. Je connais énormément de gens aux Samoa américaines et je travaille avec une grande partie de cette équipe depuis des années. À côtoyer mon peuple et la culture polynésienne, je me suis senti à l'aise. Une équipe de rêve est de tous les films que j’ai réalisés celui qui correspond le plus à ma nature." Il était primordial pour l'équipe de conserver les valeurs de la culture samoane : l'altruisme, la foi, la famille et l'acceptation.

"Chez les Samoans en particulier, l'espace entre deux personnes les connecte", explique l'acteur Oscar Kightley. Il ajoute : "La culture nous relie et nous permet de transcender notre condition d’individus. Taika est māori et il le comprend - cela fait partie de son travail et cela réaffirme notre humanité commune." Henry Sataraka, le conseiller culturel sur le film, renchérit : "Rien n'est individuel à Samoa. Nous sacrifions beaucoup pour notre famille et l'équipe de football est incontestablement une grande famille."

Michael Fassbender joue l’entraîneur bourru Thomas Rongen. L'acteur précise s'être davantage inspiré du passé et des choix que celui-ci a pu faire dans la vie plutôt que de sa propre personnalité. Il plaisante : "Je tiens à le préciser au cas où Thomas voudrait s’en prendre à moi. L’entraîneur que j’interprète dans le film n'est pas celui de la vraie vie." Le comédien et l'équipe ont pris la décision délibérée de ne pas rencontrer le vrai Thomas Rongen car le personnage du film est si librement inspiré de lui que cela ne s’imposait pas.

Le personnage de Jaiyah, l'attaquant de l'équipe, est "Fa'afafine" (dont la traduction littérale est "à la manière d'une femme"), ce qui, dans la culture samoane américaine, désigne les personnes dont le genre est fluide et qui évoluent entre masculin et féminin, montrant ainsi que deux esprits coexistent en une seule personne. "C'est une partie sacrée de leur culture et c'est simplement accepté", explique le réalisateur. Jaiyah Saelua a été la première joueuse de football transgenre au monde à avoir disputé un match de qualification pour la Coupe du monde de la FIFA.

Kaimana, dont c'est le premier long-métrage, interprète Jaiyah. Iel est le seul membre du casting à avoir rencontré son homologue de la vie réelle : "Je n'ai pas eu besoin de séparer la vraie Jaiyah du personnage car nous nous ressemblons beaucoup. C'est même ce qui m’a guidée. Jaiyah n'a pas d'autre objectif que d'être elle-même et de soutenir l'équipe et la communauté qu'elle aime."

Semu Filipo joue Rambo, le policier local, recruté dans l'équipe de football. Le personnage est un ancien joueur qui a failli devenir professionnel, à l'instar de son interprète. En effet, l'acteur a joué au rugby professionnel en Australie, mais a tout plaqué au moment de la naissance de sa fille. Il raconte : "Je n'ai pas poursuivi mon rêve. C'est un peu l'histoire de beaucoup d'insulaires du Pacifique qui ont eu l'occasion de vivre à l'étranger. Là-bas, soit les choses n'ont pas fonctionné, soit leur famille leur a trop manqué, si bien qu’au final, ils sont revenus sur leur île pour y mener une vie simple."

Ensemble, et conformément à la tradition samoane, l'équipe a exécuté un haka avant chaque match. Il s’agit d’une danse de guerre cérémonielle maori ou d’un défi généralement exécuté en groupe. Il représente une démonstration de la fierté, de la force et de l'unité d'une tribu. Les gestes comprennent la frappe du pied, la protrusion de la langue et le claquement rythmique du corps pour accompagner un chant puissant.

Au départ assimilé à une forme de danse traditionnelle du peuple maori de Nouvelle-Zélande, le haka lancé par l'équipe de rugby des All Blacks avant chacun de ses matchs l'a rendu populaire dans le monde entier. Divers hakas ont même été adoptés par des équipes sportives en dehors de ce territoire, en particulier par des équipes de football américaines (soccer) aux États-Unis.

Pour de nombreuses raisons logistiques, il n'était pas possible de tourner aux Samoa américaines. La production s'est donc tournée vers Hawaï et a découvert que l'île d'O'ahu possédait tous les éléments de décors et les lieux de tournage nécessaires pour recréer la petite île du Pacifique située 4 023 kms plus au sud.

Taiki Waititi explique : "Comme il était très difficile de tourner un film dans les Samoa américaines, nous avons cherché un endroit qui s'en rapproche le plus possible. Comme Hawaï - O'ahu en particulier - dispose d'un grand nombre de studios et d'équipes techniques, cela a tout de suite eu du sens."

Toutes les cultures indigènes ont en commun la force de l'identité et de la lignée ancestrale. Ces affirmations culturelles sont représentées à travers les éléments traditionnels que sont l’habillement et l’art. Pour la créatrice de costumes Miyako Bellizzi, la recherche et l'approvisionnement en tissus émanant des Samoa américaines ont permis de refléter ces communautés indigènes dont la population locale est la ressource la plus précieuse.

Elle explique : "Incorporer des pièces traditionnelles et apprendre à les connaître par l'intermédiaire des personnes qui ont participé au film s’est révélé un travail passionnant. De nombreux acteurs sont venus avec les vêtements qu'ils portaient et m'ont montré des photos de leur famille restée aux Samoa américaines. Tout ceci s’est révélé très utile."