Les vertus humaines, probablement le segment phare de la filmographie de Kenji Mizoguchi, grand réalisateur japonais et grand poète du cinéma dont le raffinement des films pourrait donner des vertiges à ses collègues de l’époque. Un univers où le réalisme prend place dans la douceur et la force du contexte, un univers vivant ou la claque visuelle se marie souvent à une réflexion sur la condition humaine.
Dans « L’intendant Sansho », incontestablement l’une des œuvres majeures du réalisateur, tous ces thèmes de prédilection sont amenés avec une justesse folle et un sens de l’art peu commun qui fait du classique pour le réinventer. Immersif et intense dès son départ, le film se révèle incroyablement construit, alliant la force de son caractère à la pure émotion. « L’intendant Sansho », c’est surtout l’histoire d'une famille, une famille divisée, crucifiée par l’esclavage qui l’emmène dans les tréfonds de l’horreur et du désespoir qui s’incarne à lui seul sur le visage du cruel intendant, mieux vu comme une bête que comme un homme.
On retrouve également toutes les thématiques chères à Kenji Mizoguchi, la tolérance, le courage, la dignité… « L’intendant Sansho » résonne comme un cri humain dont la subtilité demeure bouleversante et dont la spiritualité reste imparable, donnant à ces choses une réalité, une réalité tragique, forte, terrifiante, barbare, mais dont se dégage une délicatesse des plus belles et des plus triomphantes. Mettant en parallèle la brutalité, la douceur, la dureté et la poésie mais surtout un raffinement des images absolu, majestueux, qui offre une composition saisissante, plan par plan, comme lors de ce suicide au fond des arbres où le reflet de l’eau semble représenter l’autre monde qui attend une jeune femme.
Dans « L’intendant Sansho », on retrouve les trois facteurs qui font du cinéma de Kenji Mizoguchi une merveille, sa passion pour les images, sa maitrise du récit et sa sensibilité, harmonieuse, féminine. Un film qui a le sang froid !