« L’enfer, c’est les autres. » disait Sartre. Malgré l’affiche réjouissante, il n’est point de paradis dans ce film.
A mi chemin entre le thriller psychologique et le drame, ce film est une vraie claque visuelle et intellectuelle.
Il parcourt avec une grande finesse la complexité de la personnalité d’un jeune cherchant sa place dans un monde qui n’en veut pas, et dresse l’air de rien une réflexion ambitieuse sur la morale et le pardon dans une société conservatrice. Et c’est surprenant.
Daniel est en décalage par rapport aux autres jeunes : on ne sait pas vraiment ce qui le pousse à mettre sa foi en Dieu, et peu importe… mais voilà qu’il veut entrer au séminaire. Peut-être y cherche-t-il la rédemption. En tout cas personne d’autre ne lui offre de seconde chance. Au sein de cette rude détention du début du film, il trouve un sens dans l’irrationnel, et déjà cela l’humanise.
Cela ne l’empêche pas d’être violent, de fumer, d’aimer le sexe, etc : cette sorte de pulsion difficilement contrôlable est sous-jacente à tout le film, à contre-courant du rôle qu’il tentera d’incarner avec éclat.
Ce conflit interne inspire donc une retenue bienvenue à l’acteur, qui sait faire exploser tout un panel d’émotions aux moments opportuns.
La lumière est sublime, rythme son parcours tantôt d’un voile protecteur, tantot d’une force démasquant presque le héros.
La photographie est admirable; certains plans restent gravés dans mon esprit des mois après.
Et Bartosz Bielenia est superbe. Une véritable révélation.
Ce qui est intéressant, c’est que le film discute l’ordre de la morale : Daniel usurpe l’identité d’un prêtre, mais ses intentions ne sont pas mauvaises, etc. Le film nous invite à repenser l’impératif de la vertu à la lumière des histoire singulières de chacun.
A l’inverse, pour la paroisse conservatrice dont il prend la tête, la frontière entre Bien et Mal ne souffre d’aucun doute. Daniel prend alors des allures de prophète, invite chacun à l’humilité, à l’humanité. Son vécu en centre de détention l’inspire à proner le pardon, la compréhension, la nuance, dans une époque ou il est si facile de caricaturer les événements. Le film s’en veut le porte-parole, et c’est salvateur.
Il prend progressivement des airs de Christ moderne en venant bousculer les us de cette paroisse polonaise
et voulant rétablir une justice sacrifiée sur l’autel des bonnes moeurs, peut-être aussi pour expier ses fautes passées ici aussi
.
Les nombreux niveaux de lecture de ce film en font un témoin de notre époque audacieux et c’est un vrai plaisir de spectateur que de pouvoir l’interpréter.
Comme le Christ, il va déplaire. Sauf qu’ici Dieu semble l’abandonner. Retour à la case départ. Amertume. S’il existe une rédemption, il ne faut pas la chercher chez les autres. Son visage sanguinolent, fuyant l’enfer de la prison, me regarde encore.