Blues party
Ce drame musical est le 1er film de George C. Wolfe qu’il m’est donné de voir. Et je n’ai pas perdu mon temps avec cette adaptation de la pièce d'August Wilson, lauréat du prix Pulitzer, Les tensions s'exacerbent et les esprits s'échauffent au cours d'une séance d'enregistrement, dans le Chicago des années 20, tandis que plusieurs musiciens attendent la légendaire Ma Rainey, artiste avant-gardiste surnommée "la mère du blues". Arrivant en retard, l'intrépide et volcanique Ma Rainey se lance dans un bras de fer avec son manager et son producteur blancs, bien décidés à lui imposer leurs choix artistiques. Tandis que les musiciens patientent dans la salle de répétition, l'ambitieux trompettiste Levee, attiré par la copine de Ma, est déterminé à faire sa place dans le milieu de la musique. Poussant ses camarades à se confier, il provoque un déferlement d'anecdotes, de vérités et de mensonges qui bouleverseront à jamais le cours de leur vie… Ces 94 minutes ont été couvertes de prix, 2 Oscar, 2 Bafta Awards, 1Golden Globes…amplement mérités.
D’aucuns se plaindront que c’est du théâtre filmé. Certes. Mais bien filmé, bien écrit et surtout bien joué. Voilà déjà 3 arguments forts en faveur de ce film hélas seulement visible sur Netflix depuis deux ans. Mais qu’importe, reste la grande force de cette page de l’histoire du jazz et donc de l’Amérique. L’action se situe au début des années 20, - reconstitution parfaite -, donc des 1ers moments de la prohibition, mais aussi de la 1ère évolution de la musique de jazz, qui se résumait jusqu’alors au seul blues, style dont Ma Rainey était considérée une des reines. Ce scénario nous raconte donc une journée plus qu’agitée d’enregistrement d’un disque de Ma Rainey et de ses 4 musiciens. La performance, outre les interactions entres les personnages, c’est d’arriver en si peu de temps à dresser un état de la place des noirs dans la société du nord des USA – l’action se situe à Chicago -, et à nous faire sentir les débuts de l’évolution du jazz vers des musiques plus écrites, plus orchestrées, plus formelles dont certains musiciens blancs comme Bix Beiderbecke ou Glenn Miller deviendront les têtes d’affiche. C’est passionnant, drôle et dramatique à la fois et bourré de musique… et de la bonne. Un régal.
Côté casting, Viola Davis, totalement méconnaissable, nous gratifie d’un numéro exceptionnel. Tout comme le jeune Chadwick Boseman, qui mourra à l’âge de 40 ans peu après le tournage. Coleman Domingo, Glynn Turman, Michael Potts, Taylor Paige, Jeremy Shamos, Jonny Coyne, complètent avec bonheur une distribution parfaite. Un tourbillon d’une heure et demie dans un huis clos étouffant qui oscille en permanence de la comédie au drame. Impressionnant même si on peut reprocher son côté verbeux et théâtral. Les défauts de ses qualités.