Le film a fait partie de la section éphémère "Le cinéma pour le climat" du Festival de Cannes 2021
A l'origine de Bigger Than Us se trouve une discussion de Flore Vasseur avec son fils de sept ans, dans laquelle il a pris conscience de l'état alarmant de la planète. Il a alors dit à sa mère qu'elle devrait réaliser un film sur la pollution. La réalisatrice se souvient :
"Et puis l’après-midi même, jolie synchronicité, je regarde enfin le TED Talk de Melati et Isabel Wijsen envoyé par Bruno Giussani, l’un de mes meilleurs amis qui sait que je cherche un sujet. Elles y expliquent leur combat contre le plastique qui pollue et condamne leur île, Bali. Je regarde leur conférence mais passe totalement à côté, presque agacée contre mon ami… Mon fils rentre de l’école et me lance : « Alors maman, tu as trouvé une solution pour ton film ? » Et là, ça percute. Je retourne voir la vidéo de Melati et Isabel, si jeunes, si vaillantes, et là, je fonds en larmes, car tout est là, sous mes yeux : mon sujet, son sujet. J’appelle Arte, et 3 semaines après, on était partis en Indonésie… Cette thématique et ce choix de travailler avec Melati, je les dois donc à mon fils, qui m’a mise sur le chemin… Puis à Melati et à sa soeur, que je trouve ahurissantes. A ce moment-là, je croise le génie de l’enfance."
Entrepreneur à New York à 24 ans, Flore Vasseur vit la bulle Internet, le 11 Septembre et un système capitaliste qui craquèle de toute part. Depuis, elle écrit des livres, des articles, des documentaires pour comprendre la fin d’un monde et l’émergence d’un autre.
Avec ses quatre romans d’une effrayante lucidité, elle s’attaque à l’emprise de la finance et à la folie d’un monde assis sur la technologie. Elle interroge notre rapport au pouvoir, l’élite en mode panique et pose la question : qui gouverne ?
A côté de cette démarche de décryptage et parfois de dénonciation, elle entreprend un travail au long cours sur la piste des défenseurs des droits et des lanceurs d’alerte. A Moscou, elle réalise Meeting Snowden autour de l’ancien contractant de la NSA. Son dernier livre, "Ce qu'il reste de nos rêves", est un roman enquête sur l’histoire méconnue et réelle d’Aaron Swartz, enfant prodige du code qui nous voulait libre, persécuté par l’administration Obama.
Suite logique de ses quinze années d’enquête et d’écriture, Bigger Than Us est son premier film documentaire de cinéma. Au fond, son travail porte sur la question du libre arbitre, de l’engagement et du courage. L’envie de vivre et d’être digne.
"Depuis plus de vingt ans, je suis engagée pour des causes environnementales et sociales, cherchant toujours à sensibiliser pour créer un monde plus équitable. En devenant maman, j’ai tout de suite senti que mes enfants avaient beaucoup à m’apprendre. Leur génération choisit la vie et la dignité. Et elle nous montre le chemin. C’est pour cela que j’ai décidé de produire ce film, et d’aider Flore à nous raconter le combat de Melati et de tous ces jeunes activistes bien décidés à changer la donne."
En dehors de son soutien moral et financier, Marion Cotillard a fait en sorte que Christophe Offenstein, directeur de la photographie de renom, puisse rejoindre le projet : "Hyper expérimenté, hyper calme et un coeur en or, qui s’est mis totalement au service du projet, de son propos. Il m’a aussi mis une caméra dans les mains, m’a dit de faire mes images pour que le film soit au plus près de ce que j’avais en tête. Et de fait, on s’en est beaucoup servi. C’est comme cela que je suis vraiment rentrée dans le film… Marion est aussi de toutes les réunions. Bien sûr, elle nous a aidé à ouvrir les bonnes portes. Et elle n’a rien laissé passer au montage. Aucune facilité", se souvient Flore Vasseur.
Le tout premier tournage s'est déroulé au Liban, en avril 2019. Flore Vasseur s'est rendue, avec son équipe, dans ce pays sans vraiment savoir ce qu’elle allait faire. La cinéaste confie :
"C’est toujours comme ça dans un documentaire : il y a un tournage qui sert de pilote, ou plus exactement de crash test. Et c’était parfait comme crash test, parce que ce pays lui-même est en crash, totalement par terre - plus encore maintenant que quand nous y avons tourné, mais c’était sous-jacent. Et puis c’est inhérent à cette population et aux gens avec lesquels on a travaillé, qui sont à la fois d’une gaieté et d’une générosité incroyables, mais aussi d’une fébrilité palpable, liée au fait de vivre sur une poudrière…"
"On est arrivés un peu comme des amateurs. Avec l’équipe technique, on ne se connaissait absolument pas. On a passé beaucoup de temps à se flairer, les uns et les autres. Il y a des questions de légitimité des uns et des autres, y compris la mienne ; et moi, je ne savais vraiment pas comment j’allais prendre le tournage. J’avais des intuitions, et puis surtout je voulais m’appuyer sur Melati autant que possible, mais quelle envie profonde avait-elle de ce film ? Quelle implication avait-elle envie d’y mettre ?"
Melati Wijsen lutte, depuis l’âge de 12 ans, avec sa sœur Isabel, alors 10 ans, contre la pollution plastique avec leur initiative Bye Bye Plastic Bags. Ensemble, elles ont mobilisé des milliers d’enfants et de touristes et obtenu par décret l’interdiction de la vente et de la distribution de sacs, d’emballages et de pailles en plastique sur leur île. Melati croit au pouvoir de sa génération et développe aujourd’hui Youthtopia, une plateforme d’éducation et de partage d’outils pour des jeunes souhaitant s’engager.
Marion Cotillard est co-productrice du film. Flore Vasseur l'a rencontrée lors d’un week-end qui réunissait des entrepreneurs sociaux, des militants, des réalisateurs autour de l’activiste indien Satish Kumar. Elle se souvient :
"Marion était venue avec son bébé, dont elle s’occupait entre les sessions de travail. Je me suis surprise à la regarder faire, plusieurs fois, émue par les gestes et l’amour qu’elle lui portait. Je me suis reconnue dans sa façon de lui parler, de la rhabiller, de l’endormir. Dans sa façon d’être maman. Et Bigger Than Us, je pense, est aussi un projet de maman. Je suis allée la voir avec la crainte de la déranger, j’ai failli ne pas le faire. Marion est sur-sollicitée par des personnes qui pensent tenir le Graal. Mais quelque chose a sonné juste et elle a voulu en savoir plus sur mon projet de film. On s’est revues le lendemain dans Paris, et puis on ne s’est plus quittées. De film de mamans, c’est devenu un film de soeurs. Marion a été de toutes les étapes, de tous les coups durs."
Melati Wijsen est le personnage central du film : c’est elle qui va à la rencontre des acteurs du changement, en Ouganda, au Brésil, au Malawi, etc. Flore Vasseur précise : "Melati, je l’adore, je la trouve remarquable, je suis très impressionnée par son engagement, sa force. Mais il y a quelque chose qui ne m’allait pas pour ce film, et pour l’histoire que je voulais saisir et laisser vivre : c’est le côté ultra-performant qu’elle peut avoir. En Asie, elle est vraiment la Greta Thunberg locale : elle est très habituée aux tournages, très habituée à délivrer le même message, avec pas mal d’automatisme, beaucoup d’aisance face à la caméra. C’est très impressionnant mais tout à fait contre-productif. Nous voulions quelque chose de bien plus fort. Mais voilà, à force d’entraînement et de reportages pour CNN, Melati était en train de perdre son âme d’enfant."
"Or c’est précisement ce que nous cherchions, c’est cette part de nous qui est à réveiller aujourd’hui, universelle et a-générationnelle. Pour cela il fallait la faire sortir de sa zone de confort. Ça n’était pas simple car ça me mettait, moi, dans un questionnement du type : « Mais qui suis-je pour lui dire ce qu’il faut qu’elle fasse ou pas ? » Cette espèce de toute-puissance du réalisateur ou de la réalisatrice, c’est vraiment quelque chose dont je me méfie. On a la caméra, on a les questions, on surprend les personnes qu’on interviewe : il y a un côté complètement totalitaire. Et en même temps, c’est un pur-sang, Melati, c’est un étalon : si vous lui mettez une muselière, elle s’en va. Or j’avais besoin d’elle : et je n’avais pas envie de me priver de cette interaction de « jeune à jeune » qui est la mécanique du film."