Je n’avais pas trop apprécié « Synonymes ».
« Le genou d’Ahed » est une claque à laquelle je ne m’attendais pas à recevoir en pleine poire. Sans doute comme Yalahom (Nur Fibak) victime de la rage orale de Y sous les traits d’Avshalom Polak, lequel doit être le portrait de Nadav Lapid. Entendez son double.
Ne parle-t-il pas de sa mère pour commencer ? Scénariste comme la mère du réalisateur.
Dans le film, Nadav Lapid la fantasme vivante même si elle se bat contre un cancer, alors que dans sa réalité, elle a disparu depuis « Synonymes ».
Une mère constamment présente dans son esprit.
« Le genou d’Ahed » est celui d’une jeune fille palestinienne Ahed Tamimi ; un député israélien voulait lui loger une balle dans un de ses genoux pour la calmer et l’assigner à l’immobilisme pour la vie. Elle sera emprisonnée pour avoir giflé un militaire venu forcer sa maison.
A travers ce fait divers, Nadav Lapid dénonce sans aucun doute la politique impitoyablement injuste des colons sur les terres palestiniennes en particulier, et une politique intérieure détestable dans son ensemble. Un pays dans lequel il ne se reconnaît plus depuis quelques temps.
Il ne dénonce pas, il vomit son pays !
Nadav Lapid rêvait d’un pays complètement différent des autres nations, un pays, qui, sans doute, aurait été un modèle d’humanité dans la mesure où ses habitants sont tous d’origine de pogroms, de camps de concentration, d’exodes.
Que la souffrance des anciens, le peuple juif, malmenés, martyrisés, menacés à travers des siècles n’accouchent pas de monstres reproduisant les mêmes horreurs qu’ils avaient subies.
Nadav Lapid (ou Y) vomit son pays fait de mots d’amour et de haine, mais aussi avec une caméra endiablée qui se pose là où on ne l’attend pas vraiment. Une caméra prise à partie durant le long monologue terrifiant d’Y dans le désert d’Arabah ; celui-ci conclut sa diatribe, parfois obscène, en plaquant son visage contre la caméra comme pour signifier que le cadre est trop étroit, trop étouffant.
Ce cadre est son pays, sa prison. Il l’attrape fermement comme il aurait attrapé les barreaux de sa prison pour crier sa haine de l’Etat qui salit son autre mère : la mère patrie d’Israel.
Patrie qu’il a servie en tant que citoyen et militaire.
Complice inconscient ou victime contrainte, il vomit aussi sur lui-même pour avoir été un des bâtisseurs de son pays qu’il rejette.
Le tout est illustré par une mise en scène tourbillonnante pour ne pas dire hystérique à travers des séquences musicales survoltées. Il y a des plans lents qui s’inscrivent parfaitement avec un autre personnage, le désert, puis ça explose sans s’y attendre.
« Le genou d’Ahed » est un film coup de poing, pas facile à encaisser, il suffit d’être patient et accepter la démarche artistique torturée de l’auteur. Il peut paraît aride comme le désert de l'Arabah.
En tout cas, le film a été diffusé sur les écrans israéliens.
Nadav Lapid, a-t-il été rassuré sur la soi-disant censure de son pays ?
A moins que le ministère de la culture voulait éviter d’en faire un martyr !
Troublant et troublé, je suis.