Gints Zilbalodis a tout fait lui-même sur Ailleurs. "Beaucoup de raisons sont intervenues dans ce choix. J’avais en effet un tout petit budget mais je pense aussi que je manquais d’expérience pour être capable de diriger une équipe. Je me disais que faire mon premier film seul était aussi l’occasion d’explorer par moi-même tous les différents postes et les différentes étapes. Par ailleurs, je ne pense pas que des gens m’auraient donné les rênes d’un projet qui impliquait de nombreuses personnes à ce moment-là de ma carrière donc je ne l’ai jamais envisagé autrement. Il y avait une sorte de continuité avec mes courts métrages, que j’ai également réalisés seul. Cette indépendance m’autorise plus de liberté. Et il est parfois plus simple de faire les choses soi-même plutôt que de les expliquer à quelqu’un d’autre."
C’est la première fois que Gints Zilbalodis compose de la musique pour un film. "Sur mes courts métrages, je travaillais avec un compositeur mais cette fois je voulais quelque chose de différent. De moins parfait (rires). Moins classique, moins instrumental, plus minimaliste. Ne jouant d’aucun instrument moi-même, j’ai créé toute cette partition électroniquement à base de schémas, de sons combinés. Je l’ai aussi créée avant de faire l’animation, ce qui m’a permis de rythmer mon film. Je ne voulais pas de « temp track », de musiques préexistantes qui auraient pu m’influencer ou à l’inverse d’essayer de faire correspondre la musique à une scène en particulier. Je l’écoutais en travaillant à l’image, elle a vraiment participé au processus créatif du visuel, me donnant ainsi encore plus de liberté, à la réalisation et au montage."
L’influence de la prise de vues réelles, notamment dans les mouvements de caméra, est très sensible chez Gints Zilbalodis. Comme le film est muet, il fallait que la mise en scène soit très expressive. "Ma plus grande inspiration est le travail d’Alfonso Cuarón car il est connu pour ses longs plans et l’utilisation de la caméra portée. Paul Thomas Anderson et Martin Scorsese ont aussi été importants dans mon processus créatif. Je crois qu’Ailleurs aurait pu être réalisé en prise de vues réelles mais la 3D permettait de tenter encore plus de choses et d’autoriser la caméra à avoir une conscience qui lui était propre. D’ailleurs, du côté de l’animation, je me suis beaucoup inspiré de la série de Hayao Miyazaki, Conan, le fils du futur, qu’il a réalisé à la fin des années 1970. Je suis très sensible au rythme japonais, plus lent que les films occidentaux. Ils laissent le temps d’observer la nature, de profiter de l’instant, de réfléchir, de ressentir. L’émotion n’est pas guidée exclusivement par la musique ou ce que l’on voit à l’écran, c’est bien plus profond. Le jeu vidéo a aussi son importance. Deux jeux m’ont fortement marqué : Journey et Shadow of the Colossus. J’aime aussi ces jeux vidéo indépendants, muets, où le personnage se balade dans un environnement, sans réelle direction."