Il faudra prendre l’habitude à l’avenir de ne plus parler d’un film des frères Cohen - il n’en a d’ailleurs pas du tout l’air - mais d’un film de Joel Cohen, qui s’attaque ici à un monument de la littérature anglaise. Soucieux de toucher le moins possible au texte, Cohen se concentre sur ses choix de mise en scène, un noir-et-blanc hiératique et des décors dépouillés, qui semblent à la fois médiévaux et post-modernes. Quant à la direction d’acteurs, elle offre les parts majeures à des acteurs américains un peu inattendus (Denzel Washington est Macbeth, tandis que Frances McDormand joue sa femme) qui le jouent d’une manière moins familière que ne le font des acteurs britanniques mais qui donnent évidemment le meilleur d’eux-mêmes pour se montrer à la hauteur d’un tel texte. Cependant, il y a tout de même quelque chose qui me chiffonne un peu dans cette adaptation, là où la précédente (Justin Kurzel, en 2015) s’efforçait de ressembler aux épopées héroïques moyenâgeuses de la fin des années 90. : la légende de Macbeth, et la pièce qu’en a tiré Shakespeare, qui traite de la dérive meurtrière et paranoïaque d’un homme dévoré par l’ambition, n’ont évidemment rien perdu de leur efficacité et, si entendre le texte dans sa langue d’origine, déclamé par des acteurs qui y croient, suffit à votre plaisir, vous passerez certainement un bon moment. Cependant, comparativement à la version précédente, comparé même au film coloré, plein d’emphase et de classicisme poussiéreux qu’en aurait tiré un Kenneth Branagh, Cohen, à l’exception de quelques jolis plans extérieurs, semble prisonnier de la forme austère de son film, qui semble même contaminer ses acteurs, rétifs à manifester trop d’expressivité dans leur jeu. Or, cette forme elle-même semble un peu bâtarde, ni totalement théâtrale ni vraiment cinématographique bien qu’elle penche davantage du côté de la première. Ce n’est pas que ‘The tragedy of Macbeth’ ne signifie rien, c’est qu’on aurait quand même aimé un peu plus de bruit et de fureur.