Il y a des éléments autobiographiques propres à Lucio Castro dans le film et d'autres qu'il a complètement inventés. Lorsque le réalisateur a commencé à écrire Fin de Siècle, il voulait travailler avec Mia Maestro qu'il connaît bien et l’histoire était celle d’un couple hétérosexuel. Mais il a réalisé que le résultat pourrait paraître artificiel car il y avait tant d’éléments basés sur son expérience qu'il avait l’impression de transposer trop de choses. Il se rappelle :
"J’ai finalement écrit le scénario de manière linéaire à travers le parcours d’un homme qui débarque à Barcelone, mais à mesure que j’écrivais l’histoire, c’est aussi comme si je la découvrais. Le personnage parcourt la ville, il cherche à rencontrer quelqu’un, ce qui se passe et finalement il réalise qu’ils se sont connaissaient déjà. Je voulais que leur expérience paraisse très authentique, basée sur des choses que j’ai vécues et qui me semblaient crédibles. Je voulais aussi que l’histoire paraisse ancrée dans une réalité émotionnelle, car cela me donnait la liberté de jouer avec le temps et l’espace."
Lucio Castro est né à Buenos Aires en 1975. En 2000, après l’obtention de son diplôme au Centre d’Expérimentation Cinématographique (CIC), il quitte son pays natal pour vivre à New York afin de passer un second diplôme à la Parsons School of Design. Il a ensuite travaillé comme créateur de vêtements pour hommes, et parallèlement réalisé plusieurs courts métrages sélectionnés dansde grands festivals internationaux. Son dernier court métrage Trust Issues a été présenté à Cannes en 2018. Fin de Siècle est son premier long métrage.
Dans Fin de siècle, il n'y a que trois rôles parlants. Lucio Castro connaît depuis longtemps Mía Maestro, qui joue Sonia, mais travaille pour la première fois avec Juan Barberini et Ramon Pujol. Le metteur en scène confie :
"La première étape pour moi était de caster le bon comédien pour le rôle d’Ocho, car de là découlerait le reste. Je voulais qu’il soit argentin, la directrice de casting venait de voir une pièce avec Juan, elle m’en a envoyé une captation et j’ai aussi regardé un film dans lequel il jouait. On a étudié d’autres options, mais j’ai rapidement compris que ce serait lui. Je l’ai rencontré et je me suis rendu compte qu’il s’agit d’une personne très intelligente. En fait, il a totalement influencé le film et le parti pris de jouer avec la narration. On a décidé ensemble que les transitions entre les temporalités ne seraient pas marquées. Ramon Pujol m’a également été recommandé. Je l’ai choisi parce qu’il était très différent de Juan, qui a beaucoup d’assurance. Ramon est plus vulnérable et doux."
Pendant le tournage, le directeur de la photographie et l’étalonneur voulaient que les scènes du "passé" soient tournées différemment du "présent". Mais Lucio Castro a refusé : "Quand je me rappelle le passé, je ne le vois pas différemment. La mémoire est subjective, donc je voulais tout garder au même niveau. C’est comme ça que je pense que nous nous souvenons des choses. Quand je me rappelle de mon adolescence, je me vois avec mon physique actuel, même si je me trouve dans la maison de mon enfance."
Lucio Castro a choisi Barcelone comme lieu de rencontre, une ville à laquelle il pensait depuis le début du projet. "Je suis allé au Festival de Cannes avec un court métrage Trust Issues et j’en ai profité pour rester en Europe et enchaîner avec le tournage du film. C’est très facile de tourner là-bas. Nous avons filmé dans tous les musées, devant les tableaux de Goya, sans la présence de gardes de sécurité, mais aussi dans les rues, à la plage... Tout était très ouvert, légalement et gratuitement", se rappelle-t-il.
Lucio Castro voulait que les scènes d’amour soient crédibles : "Tout était bien préparé, on a chorégraphié les scènes en amont, et le rendu était plus intense. Les acteurs connaissaient l’angle de la caméra, ils savaient ce que les spectateurs allaient voir. C’était plus facile à tourner. Il faut savoir que c’est très épuisant pour les acteurs de faire des scènes de sexe, notamment quand ils sont tous les deux nus. Donc ça s’est fait très vite et ils étaient tous les deux très bons. La seule indication que je leur ai donnée était d’essayer de ne pas s’inquiéter de paraître beaux. Quand on fait l’amour, personne n’a l’air parfait."
Le metteur en scène a voulu tourner en plans fixes pour se focaliser sur les acteurs. La caméra à l’épaule n'a été utilisée que deux fois : la première lors de la scène à l’océan et l’autre pour celle où les personnages dansent. Il précise :
"Ce sont deux moments où ils essaient de se connecter. La scène de danse semblait trop statique avec la caméra fixe. Nous avons essayé différents angles, mais c’était mieux de les suivre caméra à l’épaule. Par ailleurs, nous avons utilisé uniquement de la lumière naturelle, c’était donc très simple à éclairer, parce que nous n’avions pas vraiment à le faire ! Concernant les décors, le parti pris esthétique s’est fait dans le choix des endroits où nous allions tourner. L’appartement du passé est dans un style typiquement espagnol, Barcelone des années 90, avec des livres, des objets, des œuvres d’art qui lui donnent une âme, il est très habité, tandis celui du présent est stérile. Il est joli et design mais dans un style Airbnb assez neutre."