Ca, c'est la très, très, très bonne nouvelle du jour: le cinéma italien est vivant! Le film du (encore) jeune Pietro Marcello, italianissime, nous ramène à un cinéma d'anthologie, non, pas celui des comédies ou des grands films romanesques à la Visconti, mais à la génération d'après, celle des Bellocchio, des Bertolucci, derniers feux d'un cinéma somptueux.... dont Marcello a même les défauts, la recherche du truc un peu clinquant qui n'est pas forcément utile, mais donne au réalisateur l'impression de se séparer du "faiseur de film" moyen.... Ici, par exemple, le refus d'inscrire le récit dans une époque en mélangeant des costumes contemporains (pour les hommes) avec des robes 1910 ou 1980 (pour les femmes). Les robes désuètes sont associées à la famille de grands bourgeois.... un peu facile.
Quand même, faire un film italianissime à partir d'un roman de Jack London, faut oser! Mais pourquoi pas? Après tout, il n'y a pas qu'en Californie qu'il y a des ports. A Naples aussi... Le récit de l'ascension et de la chute de Martin Eden est filmé d'une manière éblouissante, intercalant vraies et fausses images d'archive, souvenirs vrais ou réinventés.... à la fois sensuelle et politique -cette petite cuisine dont les italiens avaient le secret!
Martin, jeune marin à peu près inculte (Luca Marinelli est époustouflant!) sauve un jour un jeune bourgeois d'un mauvais pas -pris à partie par une brute, il aurait pu ne pas s'en sortir. La famille reconnaissante l'accueille, et Martin tombe aussitôt sous le charme de la très jolie petite soeur, Elena (Jessica Cressy). Et c'est réciproque. Pour elle, il veut sortir de sa condition, il achète des livres, il lit, il lit, il découvre Herbert Spencer, et comme il a plein d'idées, il forme un rêve: devenir écrivain...
Martin vit chez sa soeur et son beau frère, qui a une petite entreprise, pas bien intello le beauf. Il s'achète une machine à écrire, écrit, écrit. Toutes ses nouvelles sont refusées. Il faut bien travailler, de temps en temps, pour payer sa pension à l'irascible beauf. Il rencontre Russ Brissenden (Carlo Cecchi), vieil anar tuberculeux qui l'introduit dans les milieux socialistes. Mais, et c'est en cela que le personnage est extrêmement intéressant, Martin rejette les socialistes tout comme les bourgeois. Il dénonce la misère, il dénonce l'exploitation, tout en étant fondamentalement individualiste. Il est sûr qu'il peut devenir un écrivain, mais, de plus en plus amer, en vient à tenir des discours provocants qui vont l'amener à rompre avec la famille d'Elena, pourtant tolérante! Et avec la jeune femme elle même, qui voudrait que Martin cesse de courir après ses chimères, accepte de prendre un véritable emploi. Quand, enfin, le succès arrive, et même un succès flamboyant, c'est trop tard: le Martin qui accède enfin à la célébrité est un pantin, veule et provocateur... La complexité du personnage est ce qui en fait la force.
A voir absolument