The Room n’a pour lui que son dispositif, mis en place pendant le premier quart d’heure : exploiter une pièce gardée secrète dans laquelle chaque vœu prononcé est aussitôt exhaussé, mais n’a de réalité que dans l’espace de la maison. La règle du jeu, nous la comprenons, nous l’acceptons sans peine. Comment se fait-il, alors, que nous ne jouions pas ? Car le long, trop long métrage de Christian Volckman échoue à tirer de son dispositif une structure sujette aux variations et aux mutations ; les registres empruntés sont stéréotypés, qu’il s’agisse du comique – tous les excès sont permis –, du tragique – la perte de deux fœtus – ou du fantastique – les vivants doivent mourir pour rendre réel ce qui n’est qu’illusion. La maison aurait dû être un espace cathartique dans lequel les passions des personnages viennent purger celles des spectateurs : donner libre cours à ses désirs, empiler les millions de dollars en billets, manger du caviar à chaque repas ; dans ce sens où le luxe et la rareté perdent leur régime d’exceptionnalité à mesure qu’ils se banalisent, deviennent accessibles à tous. En lieu et place, la pièce magique capte à elle toute l’attention et transforme les protagonistes en enveloppes vidées de leur substance : nous ne nous attachons jamais à ce couple mal introduit et faiblement caractérisé, que campent deux acteurs moyens. En sous-estimant l’humain au profit de la technique, le film renvoie une impression d’automatisation de sa structure et empêche le suspense, comme si tout était déjà écrit, fixé, les retournements scénaristiques ayant l’ascendant sur les personnages qui pourtant sont censés les causer. Le film avance en cochant des thématiques – jamais traitées au demeurant – et des registres comme autant de cases sur une liste de courses. Il ne transparaît ainsi aucune vision esthétique, aucune lecture symbolique de la pièce ni de la maison, aucune réflexion sur le deuil, le désir meurtri de maternité, la peur de devenir parents et de voir son enfant grandir trop vite, la peur de le perdre, de le voir souffrir. La caméra ne sert qu’à illustrer le récit, elle ne raconte rien, elle ne participe pas à l’action. S’il y a bien un huis clos ici, il ne sert pas, sinon à remplir le vide par d’incessants sursauts : la mère pleure, le père pique une crise et part en voiture, le gamin braille et pose des questions, essaie de sortir. Le rythme désole. Mais le pire réside certainement dans cette prétention à passer derrière le rideau pour nous révéler, par petites touches, les coulisses, ce monde parallèle au nôtre et qui doit concentrer l’attention, susciter notre interrogation. Pourquoi un bonhomme de neige en pleine forêt ? Ouh là là. La clausule est ainsi brouillonne et vaguement ridicule, le réalisateur jouant ici au petit malin, fier d’un dispositif ô combien éculé et lacunaire. The Room est un conservatoire d’ennui ponctué çà et là de sursauts d’intérêt – lorsque Matt rend visite au tueur, lorsque Shane brave l’interdit et franchit le seuil de la porte d’entrée. C’est peu.