Le film était présenté en séance spéciale sous le label Cannes Première au Festival de Cannes 2021.
Serre Moi Fort est tiré d’une pièce (jamais jouée) de Claudine Galea écrite en 2003, Je reviens de loin. C’est via un ami, Laurent Ziserman, qui a dû renoncer à monter la pièce, que Mathieu Amalric a découvert cette histoire : « Je l’ai lue dans un train et je me suis mis à chialer, hoqueter comme un bébé. Ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps, je devais me cacher sous ma veste. Après Barbara, j’étais obsédé par le premier degré, comme un endroit que je ne saurais jamais atteindre et j’ai senti, dans ce que Galea avait inventé, une brèche, un accès possible. C’est le mélo qui a agi comme un déclencheur. »
Mathieu Amalric s’est plongé dans de nombreux films pendant la préparation de Serre Moi Fort. Des mélodrames tout d’abord avec Corps à cœur de Paul Vecchiali, Je rentre à la maison de Manoel de Oliveira, les longs-métrages de Douglas Sirk et Nicholas Ray. Mais aussi des « films d’hallucinations, plus mentaux », comme les filmographies de Buñuel, Resnais, Hitchcock, L'Aventure de madame Muir, Boyhood, Là-haut, Coco ou encore la série The Leftovers.
Les Gens de la pluie de Francis Ford Coppola a aussi été une grande référence, au point qu’Amalric a montré le film à son chef-opérateur, Christophe Beaucarne, et a même imaginé une scène où le personnage de Clarisse serait allé voir le film au cinéma : « Elle aurait pleuré à la scène de la cabine téléphonique (quand Shirley Knight appelle son mari) exactement comme Anna Karina pleure devant Falconetti/Jeanne d’Arc de Dreyer dans Vivre sa vie de Godard. Mais Les Gens de la pluie avait alors tellement imbibé le film qu’on n’en avait plus besoin, on pouvait retirer les échafaudages, on n’a pas tourné la scène. »
Le réalisateur a décidé de traiter ce qui relevait du faux, de l’imagination, sur le même plan que le vrai et le réel. « Ce qu’elle vivrait et ce qu’elle projetterait seraient pareil. […] La douleur folle me semble faire ça, non ? Repensez aux séparations amoureuses où tout se mélange, l’espace, le temps, le manque, la peine, les souvenirs modifiés, la jalousie à imaginer l’autre, l’onanisme, faire revenir... pfff, on ne met pas du sépia ou des filtres pour bien dissocier le vrai du faux dans ces moments-là, ça s’empile et se fragmente, on est hypra réalistes dans les moindres détails. Ça fait du mal et ça fait du bien ! D’ailleurs hyperréalisme est un mot qui revenait souvent. »
Dès le début de l’écriture, Mathieu Amalric a pensé à Vicky Krieps pour le rôle principal. Il a dès lors contacté son agent qui l’a informé qu’elle serait à Paris trois semaines plus tard. L’actrice a accepté d’emblée le film, sans avoir lu le scénario mais uniquement le texte de Claudine Galea. Une rencontre inédite pour le cinéaste : « Je n’ai jamais ressenti une gémellité pareille. Je me suis rendu compte aussi que c’était la première fois que je ne tournais pas avec une amoureuse, avec une ex, et ça ouvre d’autres fenêtres… La ligne rouge, brûlante, partagée du désir qui trouve son exaltation uniquement dans le travail, dans la fabrication d’un film ensemble, c’est très puissant et tout est à l’écran. »
Le tournage a débuté au printemps 2019, avant de reprendre en novembre de la même année et s’est terminé fin janvier 2020. Le montage a commencé dès la fin du premier tournage. Le réalisateur raconte : « J’aime tourner un film en plusieurs fois, car j’ai l’impression de pouvoir en devenir le spectateur. »
Le titre est un clin d’œil à la chanson La Nage indienne d’Étienne Daho, dont les paroles sont : « Serre-moi fort. Si ton corps se fait plus léger, nous pourrons nous sauver ». Mathieu Amalric révèle : « Longtemps sur le scénario “Serre moi(ns) fort“ est resté en balance… Mais pour une fois le premier degré a gagné ! « Serre moi fort » est finalement arrivé sur le clap et y est resté. Mais sans tiret. Trois mots comme isolés les uns des autres. »