Rémi Chayé explique avoir eu envie de « repartir vers une fiction construite autour de ses personnages, avec des enjeux incarnés, des portraits qui nous parlent autant de la conquête de l’Ouest que d’aujourd’hui. Des personnages qu’on construit avec leurs complexités, avec des méchants qui ont leur part de lumière ». Visuellement, il a recherché « la simplicité graphique des personnages taillés dans des formes fortes avec des couleurs et des espaces gigantesques forts, en cinémascope, soutenu par la musique puissance et inspirée de Florencia Di Concilio, mêlant instruments bluegrass et orchestre symphonique ».
Le long-métrage revient sur la jeunesse de Calamity Jane (alias Martha Jane), une période dont il reste peu de traces historiques. Le sous-titre du film permet de souligner qu’il s’agit d’une invention de la première aventure constituante de la future Calamity Jane, son passage de l’enfance à l’âge adulte. Il ne s’agissait pas d’être fidèle à la réalité car Calamity Jane n’a cessé de mentir sur sa vie, mais « d’imaginer comment cet « esprit libre » s’est peu à peu construit, à force d’aventures et de rencontres », affirme le réalisateur. Il décrit son héroïne comme « une personnalité ambiguë, différente, en avance sur son temps, qui a fait voler en éclat les codes masculins/féminins ».
Orpheline et livrée à elle-même très tôt, Calamity Jane n’a cessé de mentir et de s’inventer une vie. Il semble établi qu’elle est née le 1er mai 1856 à Princeton dans le Missouri, aînée d’une fratrie comportant trois garçons et deux filles. Ses parents, Robert et Charlotte, quittent leur ferme pour éviter un procès autour de l’héritage d’un grand-père. Analphabète, son autobiographie a sûrement été écrite sous sa dictée. On sait désormais que ce texte a une forte valeur romanesque et ne peut pas être considéré comme exact d’un point de vue historique. Il en est de même pour les Lettres à sa fille, recueil épistolaire qui regroupe des lettres qu’aurait écrit Calamity à sa fille.
Voici quelques idées fausses qui circulent sur son compte, mais qui participent durablement à sa légende :
- Rien n’a jamais étayé la rumeur selon laquelle Martha Jane aurait servi sous les ordres du général Custer pendant les guerres indiennes.
- Elle n’a jamais entretenu de liaison amoureuse avec Wild Bill Hickok. De même, elle n’a pas assisté à son assassinat ni capturé son meurtrier.
- Elle n’a jamais participé au show de Buffalo Bill.
Martha Jane balaie les conventions du XIXème siècle en refusant de se soumettre à l’ordre patriarcal. Il s’agit d’une véritable révolution lorsqu’elle décide d’enfiler un pantalon. Elle ne le fait pas pour rejeter son identité mais pour être plus libre de ses mouvements. « Martha voit le côté pratique de sa tenue. Elle n’est pas dans la revendication », précisent les scénaristes Sandra Tosello et Fabrice De Costil. Le réalisateur renchérit : « Calamity Jane n’est pas un garçon manqué, c’est une fille réussie ».
Atteindre la parité au sein de l’équipe était un objectif important pour le réalisateur et la production. Tout a été fait pour obtenir l’équilibre des responsabilités entre hommes et femmes car c’était pour eux indispensable au bon fonctionnement intellectuel et artistique de la production. Ainsi, il était évident qu’il fallait faire appel à une compositrice pour la musique du film. Un vrai défi puisque seulement 1 % des compositeurs de musique de film sont des femmes. Après des mois de recherche, c’est Florencia Di Concilio, notamment connue pour son travail sur Ava, qui a été choisie.
Elle a intégré le projet au tout début de la production et a accompagné le film tout au long de sa fabrication. Le film ne comporte pas de musiques additionnelles à la musique originale. Elle revient sur son travail : « dans la bande originale coexistent une formation de Bluegrass (banjo, guitare, mandoline, violon et contrebasse), le traitement de sons de manière expérimentale et une partition conventionnelle pour orchestre symphonique. Le tout, tissant une trame sonore épique, à travers la fragilité et la fraîcheur du regard d’une enfant ».
Alexandra Lamy double Madame Moustache, mentor de Martha Jane. Il s’agit en quelque sorte de réparer un rendez-vous manqué puisque la comédienne avait été approchée pour jouer Calamity Jane dans un projet qui n’a pas abouti. Elle s’était pour l’occasion documentée sur le personnage. Pour ce film, elle a doublé son personnage sans voir les images, en se basant uniquement sur le scénario et le story-board.
À l’instar de Tout en haut du monde, le précédent film de Rémi Chayé, les personnages de Calamity Jane sont sans contour, ce qui fait que toute l’image est un jeu d’aplat de couleurs. Ce choix a pour objectif d’immerger les personnages dans les décors. Pour Patrice Suau, à la direction couleur, ce style permettait aussi d’obtenir une force des lumières : « Je n’ai pas adopté le style pictural pour la simple raison d’être « coloré », mais bien pour exprimer de la lumière. J’ai donc pris deux orientations : la période des peintres Nabi, mais je suis aussi sous l’influence des peintres fauves ».
Plus de 980 décors uniques, pour 1400 plans, ont été réalisés pour le film, avec une majorité de cadres naturels en extérieur. En moyenne, il y a 2,5 personnages par plan et au maximum jusqu’à 25 personnages à l’écran. Le film contient 12 images dessinées et doublées par seconde et 57 600 dessins au total.