« Vous n’avez pas votre gaine, non ? Alors conduisez ce Monsieur. »
Pour son troisième film, l’éclectique réalisateur Edouard Molinaro s’entoure d’une véritable armada de scénaristes, dont Gérard Oury qui n’est pas encore passé derrière la caméra, Georges et André Tabet (aussi aux dialogues, les deux frères se feront surtout connaître pour leur participation sur Le Corniaud, 1965 et La Grande Vadrouille, 1966, tous deux de Gérard Oury), Pierre Boileau et Thomas Narcejac, le couple star du roman noir français du milieu de siècle et, enfin, rarissime au scénario, le producteur Alain Poiré, patron indéboulonnable de la Gaumont, qui produira les plus grands films français de la seconde moitié du XXème siècle.
Pour donner la réplique à Lino Ventura, on retrouve des interprètes récurrents des films noirs et des comédies de l’époque, avec Sandra Milo et Franco Fabrizi côté italien et, côté français, Robert Dalban, Micheline Luccioni, Jacques Monod, entre autres.
La longue première scène du début, donne le ton de ce dont est capable Molinaro même s’il ne montrera pas toujours dans ses films suivants : le suspense est magnifiquement amené dans une ambiance melvinienne, soin du détail et rareté des dialogues compris. Ce talent nous tient ainsi en haleine durant tout le film, grâce aussi à un scénario à la fois simple, original et intelligent
, avec un final qui n’est pas sans rappeler Gas-Oil (Gilles Grangier, 1955)
.
Ce scénario, il met en avant la mobilité : le train, d’abord, où commence l’accroche prétexte, en voiture puis à pieds en raison d’un accident, en camion, un peu, en métro, avec une longue scène de poursuite lente, en petit train touristique, même, et, enfin, en taxis puisque c’est l’un des intérêts majeurs du film : la vie d’une centrale de taxis parisiens, principalement la nuit (et on peut regretter l’absence de la couleur) sur fond de jazz moderne. Un autre intérêt est de voir la personnalité des deux principaux personnages féminins, l’une (Sandra Milo) refusant de se faire entretenir par son amoureux, l’autre (Micheline Luccioni), chauffeuse de taxi, à la fois féminine et costaude.
Evidemment l’intérêt principal est le pitch lui-même, ce double jeu du chat et de la souris haletant et humain aussi, magistralement interprété (et doublé) et soutenu par une réalisation parfaite et résolument moderne.
Un petit chef d’oeuvre de réalisme, sombre, certes, mais non dénué d’humour. Une pépite d’une incroyable modernité.