Le tournage de Freedom a commencé au Cambodge en avril 2018. Il s’agit du premier long métrage de Rodd Rathjen, également auteur du scénario. Freedom est le quatrième long métrage des studios Causeway Films (Mister Babadook, Cargo). Le rôle principal de l’adolescent cambodgien Chakra est joué par le jeune Sarm Heng, tandis que le capitaine du chalutier Rom Ran est campé par l’acteur et réalisateur thaïlandais Thanawut Kasro.
D’origine australienne, le réalisateur Rodd Rathjen a grandi à Colbinabbin, petite ville rurale de l’État de Victoria. Diplômé du Victorian College of the Arts en 2010, où il a étudié le cinéma et la télévision, Rathjen a réalisé le court métrage Tau Seru en Inde présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes en 2013. Le film a remporté le prix du meilleur court métrage au MIFF 2013 et a été projeté dans une cinquantaine de festivals du monde entier. Début 2014, Rathjen a reçu le Directors Acclaim Fun de Screen Australia et a participé au Berlinale Talent Campus. Il a obtenu des financements et tourné le court métrage Sweat, avec Colin Friels (The Turning, Dark City), présenté au MIFF 2015. Freedom est son premier long métrage.
Freedom s’appuie sur les codes du thriller social. C’est une histoire d’une belle simplicité où le suspense est distillé progressivement. Si le point de vue du réalisateur y est très présent, il tire sa substance d’authentiques témoignages de victimes de l’esclavage moderne. Certaines d’entre elles ont été retenues pendant des années à bord de bateaux sur la Mer de Chine méridionale et s’en sont sorties malgré leurs faibles chances de survie. C’est une situation répandue dans l’industrie thaïlandaise de la pêche qui engrange des milliards de dollars grâce à la vente de poissons dans le monde entier. Rodd Rathjen se souvient : "J’ai eu l’idée de Freedom quand je suis tombé, il y a quelques années, sur un article qui parlait de l’esclavage moderne et de l’exploitation humaine dans l’industrie de la pêche thaïlandaise. J’avais du mal à croire qu’une telle barbarie était possible. J’ai commencé à entreprendre de nouvelles recherches et à échafauder un récit sur cet univers. Je me suis dit qu’un film serait un bon moyen de sensibiliser le grand public à cette question."
Freedom est le premier long métrage de fiction qui aborde le terrible phénomène de l’esclavage sur les bateaux de pêche thaïlandais. Pour la productrice Kristina Ceyton : "C’était essentiel de mettre cette histoire en lumière." L’exportation des produits de la pêche en Thaïlande a rapporté 5,5 milliards de dollars en 2017. 50% des 600 000 hommes qui travaillent dans ce secteur viennent du Myanmar ou du Cambodge, selon les Nations Unies. Ils sont victimes du trafic d’êtres humains et sont contraints de travailler sur des chalutiers dans toute la région pour vendre les produits de la pêche à des consommateurs du monde entier. Chaque jour, ce sont environ 60 jeunes garçons qui quittent le Cambodge pour la Thaïlande en pensant qu’ils vont travailler dans une usine et envoyer de l’argent à leurs parents. Moins de 8% d’entre eux reviennent un jour. Human Rights Watch a mené des entretiens avec 248 pêcheurs et anciens pêcheurs en provenance de Birmanie et du Cambodge, mais aussi avec des responsables politiques thaïlandais, des propriétaires de bateaux, des militants locaux et des personnels des Nations Unies. Cette étude s’est déroulée sur deux ans dans les principaux ports de Thaïlande.
Rodd Rathjen se souvient que le casting a commencé très tôt. "Nous avons travaillé avec Non Jungmeier, un directeur de casting thaïlandais formidable, qui a beaucoup d’expérience en Asie du Sud-Est. Il a même commencé à chercher Chakra avant que je n’arrive en Thaïlande et il m’envoyait des vidéos des auditions. La barrière de la langue était un défi, mais on a travaillé pendant des mois avec Non pour trouver la bonne personne. Je suis enchanté d’avoir trouvé ces acteurs et, pour certains, ça n’a pas été facile." Rodd Rathjen était préparé à l’idée que la plupart de ses acteurs n’aient jamais joué : "Cela nous a permis de rester très authentiques. Au Cambodge, la plupart des gens connaissent quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a émigré en Thaïlande et s’est fait exploiter. Par exemple, Thanawut Kasro, qui joue le capitaine Rom Ran, a travaillé sur un chalutier pendant quelques années quand il était jeune. Même chose pour Saichia, qui campe un assistant de Rom Ran." Le réalisateur a insisté pour que les esclaves birmans sur le bateau soient joués par des Birmans ayant connu le travail forcé sur les chalutiers.
Sarm Heng, héros du film, est né au Cambodge et sait jouer la comédie depuis son plus jeune âge. Lui et sa famille font partie du Green Gecko Project depuis qu’il a deux ans. Green Gecko est une ONG dirigée par l’Australienne Tania Palmer et son mari cambodgien, Rem. Ils recueillent dès le plus jeune âge plus de 100 enfants qui sont à la rue et en danger. Ils les nourrissent, les éduquent et les soutiennent. Après avoir perdu sa mère à un an et son père onze ans plus tard, Heng considère Green Gecko comme sa famille. Doté de multiples talents et encouragé par la communauté de Green Gecko, il est à la fois magicien, musicien, photographe et acteur, et il adore aussi le foot et les arts martiaux. Sarm Heng a eu l’occasion de jouer dans quelques courts métrages à côté de ses études, mais il a fait ses premiers pas sur grand écran comme figurant dans D’abord ils ont tué mon père d’Angelina Jolie, qui retrace les horreurs du régime des Khmers rouges à travers les yeux d’un enfant. Sarm Heng avait tout juste 14 ans quand il a décroché le rôle de Chakra. Les thèmes abordés par le film – en particulier la cruauté du trafic d’êtres humains et les dangers du travail illégal pour les migrants – sont chers à son coeur.
Au cours de la préparation, Rodd Rathjen est resté fidèle à son postulat de départ : mettre en place un monde naturel et authentique qui serve de toile de fond aux acteurs et à son style visuel. Bethany Ryan, la chef-décoratrice, explique : "Rodd a une présence très forte en tant que réalisateur. Après avoir lu le scénario et discuté avec lui, j’ai bien compris qu’il allait falloir avant tout créer un décor très authentique. Rodd a insisté pour qu’on mène des recherches poussées et qu’on prenne en compte le moindre détail. Les décors devaient avant tout être évocateurs et crédibles pour servir l’histoire. Il fallait donc construire un monde réaliste qui traduise un environnement extrême et périlleux. Il fallait aussi que les couleurs et les matières contribuent à créer, avec subtilité, une atmosphère qui permette au spectateur de comprendre l’effroi émotionnel de l’histoire. J’admire la précision et la persévérance dont Rodd a fait preuve dans sa recherche d’authenticité."
Selon la productrice Samantha Jennings, "C’était très difficile de tourner au Cambodge en plein été. Il faisait très chaud et on tournait la plupart du temps sur un bateau au milieu de l’océan. En plus, notre acteur principal avait 14 ans et nous devions prendre soin de lui. On tournait souvent dans des endroits où il n’y avait pas d’électricité, pas de réseau, pas de Wifi ni d’eau chaude. Les conditions étaient assez rudes. Les Cambodgiens avaient le mal de mer et les Australiens étaient malades aussi le temps de s’adapter aux conditions.. On a aussi eu quelques blessés pendant le tournage qui était très physique. Certains pouvaient ressentir une certaine claustrophobie à force de rester à bord d’un petit bateau, sans communication avec la terre. Le point positif, c’est qu’on a appris à se serrer les coudes." Rodd Rathjen ajoute : "On n’avait que 5 semaines de tournage, ce qui laissait peu de jours de relâche. Mais tout le monde a travaillé très dur et on a eu beaucoup de chance avec nos acteurs et nos techniciens. Ils ne se plaignaient jamais et sont allés jusqu’au bout."
En dépit du manque de temps et de ressources financières, la post-production s’est très bien déroulée. Rodd Rathjen a choisi de travailler avec le chef-monteur Graeme Pereira qui était intervenu sur ses courts métrages et lui fournissait depuis plusieurs années des conseils sur le scénario. Samantha Jennings explique : "Graeme connaît Rodd depuis très longtemps et ils sont très complices. Ils partagent la même esthétique et la même volonté de raconter un récit véridique. Ils ont la même appétence pour la simplicité et c’est très beau de les voir travailler ensemble. Nous avons aussi travaillé avec l’ingénieur du son Sam Petty. C’est vraiment un film qui repose autant sur le son que sur l’image. La musique joue un rôle essentiel pour traduire la trajectoire émotionnelle du personnage principal. Sam Petty est très aguerri, il a des idées originales et il a vraiment bien compris le minimalisme poétique du film. Il a apporté de la profondeur et du relief au jeu de Sarm, mais aussi une sensation d’intimité."