Super ce film ! D’une inconnue —pour la plupart des gens (Audrey Estrougo). Sur un groupe, NTM, "d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître" (puisque ça se passe autour de 1990). Il y a néanmoins un côté un peu "Rocky" qui peut faire fuir certains spectateurs… C’est super, non pas pour les qualités autobiographiques ou musicales : elles sont ce qu’elles sont ; on ne sait pas si c’est vrai et l’on s’en moque, on ressent ces qualités comme acceptables. C’est super parce que le film est sur un créneau, une planète, et il n'en sort pas (aucune digression, aucune fioriture) : c’est déjà un bon point à donner à la réalisation. Mais d’autres bons points sont à lui donner, même quand ils sont apportées par les acteurs (c’est forcément elle qui met en scène le scénario et qui dirige les acteurs). On a peur au départ que les acteurs utilisent le jacté d’aujourd’hui, mais pas du tout —à part un "truc de ouf" qui traine et quelques "en même temps". On est surtout estomaqué par la force et la pertinence des conversations, entre JoeyStarr et son père d’abord, puis entre les membres du groupe. Ces conversations vont des engueulades proches de la castagne aux silences plus vrais qu’un dialogue. La mise en scène n’en finit pas de filmer, très longuement, les moments les plus chauds, les plus indicibles, les blessures, les créations, les chutes et les rechutes (dans le vol, dans la drogue, par exemple). L’émotion est là dans ces moments-là. Car certaines blessures ne guérissent pas, car le temps ne revient jamais en arrière. Car l’art sauve, mais il tue aussi —surtout chez ceux (comme dit leur texte) "n'ayant pas d’autre choix que vivre une vie parallèle" avant de pouvoir créer, puis d’être reconnu. On aime ces longueurs, cette insistance de la caméra, ce véritable et vénérable talent des acteurs (Théo Christine et Sandor Funtek en premier lieu évidemment) pour dire (ou taire) le ressenti, la tristesse, la jovialité. Ce film n’est pas un film sur l’époque, sur le rap, sur NTM ou JoeyStarr : c’est un film sur des valeurs, de tout lieu et de tout temps (individuelles ou sociales), et sur les efforts à faire pour elles quand on naît sur une autre planète. A.G.