Oray est un film très personnel pour Mehmet Akif Büyükatalay, mais pas autobiographique, puisqu'il n'a jamais eu à choisir entre la religion et sa femme. Le réalisateur précise : "De même, je ne connais personne qui a prononcé la formule de divorce que dit Oray pour se séparer de son épouse. En revanche, le sentiment d’être "l’autre" dans un pays m’est très familier. Au début du film, le héros dit que parfois, nous devons choisir entre l’enfer et le paradis. Je pense que l’être humain est trop complexe pour pouvoir choisir entre deux côtés ; nous devons apprendre à combiner plusieurs identités différentes. C’est la chose la plus impor- tante que je voulais dire."
Avec Oray, Mehmet Akif Büyükatalay a cherché à présenter les faits de manière réaliste, et laisser aux spectateurs la liberté de les interpréter : "Je voulais montrer la dynamique d’une communauté. On peut changer le sujet de l’Islam et la manière dont il est perçu parmi les hooligans de football ou les communautés homosexuel. Il y a aussi un Témoin de Jéhovah qui m’a dit qu’il s’était vu représenté dans le film."
Mehmet Akif Büyükatalay cite les frères Dardenne, le néoréalisme italien (Rainer Werner Fassbinder) et le cinéma roumain. Le metteur en scène développe : "En Roumanie, on peut sentir l’urgence de faire davantage avec le médium filmique sur le plan formel. D’un p oint de vue plus général, je considère que Pasolini est un héros et un vrai modèle. Il a commencé avec le réalisme, et puis ça devient de plus en plus esthétique, mais sans jamais perdre de vue la politique."
La recherche de l’acteur principal a pris beaucoup de temps. Il a en effet fallu un an à Mehmet Akif Büyükatalay pour trouver Zejhun Demirov. Le réalisateur note : "Il est lui-même religieux, ou du moins il essaie de vivre religieusement – il a aussi été avec les salafistes pendant un temps. Nous avons déplacé la communauté de Hagen, où j’ai grandi, à Cologne. C’est pour cela que mon père, mon frère et mes cousins sont là aussi. Je voulais montrer une familiarité et une intimité presque homoérotique entre les personnages."
La communauté montrée dans le film ne représente pas les 3,5 millions de musulmans qui vivent en Allemagne. Il y a, en effet, de nombreuses communautés différentes, et chacune a une interprétation différente de l’islam. "Pour ce qui est du rôle des femmes, il y a beaucoup de choses qui se passent dans la communauté musulmane en ce moment en Allemagne, car nous en sommes déjà à la troisième génération. Cela signifie qu’il y a eu une élévation partielle sur l’échelle sociale, de la classe ouvrière à la classe moyenne, et qu’il y a de plus en plus de musulmans très éduqués. Il y a un progrès en terme d’autodétermination parmi les femmes", explique Mehmet Akif Büyükatalay.