Sacha Polak a eu l’idée de Dirty God il y plusieurs années, lorsqu'elle a vu une femme avec des marques de brûlures au visage au festival de musique Lowlands. Elle se rappelle : "Tout le monde la dévisageait. Vous ne pouvez pas oublier votre blessure, parce que les gens vous regardent en permanence. J’ai passé beaucoup de temps en Angleterre pour un autre projet de film et j’ai commencé à penser à situer cette histoire là-bas. Au cours de mes recherches, j’ai parlé à plusieurs femmes différentes qui avaient été brûlées lors d’attaques à l’acide. A ce moment, quelques cas étaient connus du grand public, comme l’attaque à l’acide sur le modèle Katie Piper, mais le phénomène a explosé ces dernières années en Grande- Bretagne. De nos jours, il y a aussi des attaques à l’acide aléatoires dans les boîtes de nuit."
La multiplication du nombre d’agressions de ce type outre-Manche est spectaculaire et sont surtout commises entre gangs londoniens. Pour son film, Sacha Polak a contacté plusieurs femmes victimes d'attaques à l'acide. La réalisatrice a remarqué que, dans la majorité des cas, la motivation de l'attaque est la suivante : "Si ton joli visage n'est pas pour moi, il ne l'est pour personne". Elle confie :
"J'ai trouvé qu'il s'agissait d'un concept fascinant. Les filles à qui nous avons parlé étaient toutes plutôt pessimistes quant à la possibilité de rencontrer quelqu’un qui voudrait avoir une relation avec elles. Dans le film, une vidéo est postée sur YouTube avec le titre « Une fille laide pense qu’elle est canon », qui est également basée sur les expériences de ces filles. Je voulais que le film parle d’une jeune personne, parce que je pense qu’être jeune à l’ère d’Instagram est vraiment difficile ; tout est filmé et partagé. L’apparence est primordiale."
Dirty God est le premier film en langue anglaise de Sacha Polak, mais son troisième en tant que réalisatrice après Hemel et Zurich. Ce nouveau film est produit par Viking Film, qui a déjà collaboré avec la réalisatrice sur Zurich et le documentaire New Boobs. "J’avais l’envie depuis quelques années de réaliser un film que j’aurais écrit et j’avais déjà rédigé un scénario avant Hemel, que je n’ai jamais tourné. Je voyais ça comme une manière d’assumer la pleine responsabilité de ce que je fais. D’un autre côté, cela vous donne également beaucoup de liberté pour changer les choses au cours du processus", raconte-t-elle.
Pour le rôle de Jade, Sacha Polak voulait spécifiquement quelqu’un qui ait un visage avec des cicatrices pour être sûre que les gens y croient (ce qui est difficile avec du maquillage). La cinéaste souhaitait travailler avec une personne pleinement dévouée qui a vraiment vécu une histoire similaire. C’est ainsi qu'elle a choisi Vicky Knight : une personne avec des cicatrices, du bon âge et avec un passé similaire à Jade. Sacha Polak explique :
"En fin de compte, nous l’avons trouvée via la directrice de casting Lucy Pardee, qui a également fait le casting de American Honey et qui est la référence lorsqu’il s’agit de trouver des acteurs non-professionnels. Les cicatrices sur le visage de Vicky sont relativement superficielles, c’est pourquoi le créateur d’effets de maquillage, Morten Jacobsen, a fabriqué une prothèse. Afin de la mettre en place, Vicky devait être présente au service de maquillage deux heures à l’avance tous les jours du tournage. C’était dur pour elle mais elle ne s’est jamais plainte."
Le film met aussi en avant une jeune sous-culture métropolitaine. En collaboration avec le directeur de la photographie, Ruben Impens, Sacha Polak a essayé de trouver un langage visuel à travers l’éclairage et l’utilisation de couleurs permettant au film de dépasser le réalisme. La cinéaste voulait s’assurer que le film ne devienne pas un énième drame maussade tourné à Londres. "Après tout, il s’agit de l’histoire d’une jeune femme. Nous avons utilisé un style éclectique, avec des plans fixes, des plans caméras à l’épaule, et d’autres statiques."
Pour représenter le monde de Jade de manière authentique, Sacha Polak a porté une grande attention aux figurants, comme ceux que l'on voit à la fête au début du film. Pour le rôle du meilleur ami de Jade, elle comptait d’abord engager un jeune artiste rap londonien. En fin de compte, cela n’a pas pu se faire, mais certains des chanteurs qui ont auditionné, comme RoxXxan et Shystie, se sont retrouvés dans des rôles secondaires.
"La musique a été un élément important dans ma vision du film dès le début. Outre la partition électronique écrite spécialement pour ce film par mon ami et compositeur habituel, Rutger Reinders, nous avons également utilisé une combinaison d’artistes anglais, marocains et néerlandais : des chansons de Yellow Claw et The Party Squad notamment, et le film s’ouvre avec la magnifique chanson, ‘Human’ de Sevdaliza", se souvient Sacha Polak.