Un film tout sauf historique, résultat d’un travail passionné mais certainement pas rigoureux ni sérieux, créé plus pour choquer et faire le buzz que pour relater des faits historique en toute impartialité. Malheureusement absolument pas objectif, contrairement aux revendications de son réalisateur, ce film en arrive même à prendre une tournure manichéenne et complètement caricaturale. Que ce soit via son scénario, ses personnages, son esthétique générale et son discours, ce film est biaisé de A à Z et ne correspond à aucune réalité historique. C’est d’autant plus dommageable pour des spectateurs néophytes qui se verront inculqué un regard biaisé sur un sujet pourtant historique et d’une importance majeure pour la France et l’Algérie. Pour rentrer dans le détail et argumenter ma critique, très sévère j’en suis conscient, je propose d’expliquer le plus méthodiquement possible les problèmes principaux que j’ai retenus dans ce film :
I/ Le scénario. Il y a plusieurs problèmes concernant ce dernier : 1 – Premièrement, il n’est pas cohérant historiquement. Dans l’armée française de l’époque (et jusqu’à aujourd’hui encore), un colonel est un chef de corps. C'est-à-dire qu’il a des responsabilités de commander un régiment ou parfois aussi, pendant la guerre d’Algérie, un secteur. En soit il commande entre 1000 et plusieurs milliers d’hommes selon qu’il soit dans le premier (régiment) ou le second cas (secteur). Il lui arrive bien sur d’aller sur le terrain, parfois très régulièrement si ce n’est quotidiennement, mais avec lui un poste de commandement nomade, léger, dans le but de coordonner entre-eux de tels effectifs pendant une opération, préparée à l’avance. Or ici, nous avons un colonel qui, seulement accompagné d’à peine une dizaine d’hommes, part à la recherche d’un soldat disparu. C’est totalement romanesque, improbable, et malheureusement c’est faux historiquement. 2 – le synopsis du film est d’emblé subjectif. Je m’explique : le synopsis dit du colonel Breitner, le personnage principal, qu’il « n’est plus que l’ombre du guerrier qu’il était en Indochine », cette formule, d’abord très vague, est par définition un jugement de valeur et à fortiori un choix subjectif de représenter un personnage qui décroît dans son comportement, sa situation. Si un tel profil était sans doute possible, il est dommageable je trouve d’oublier qu’il a surtout existé, et il y a des centaines d’exemples connus et relatés rien que dans la littérature, des soldats (officiers ou pas) qui se sont distingués en Indochine (et avant) et qui ont continué de le faire en Algérie. Et qui étaient loin d’être l’ombre d’eux-mêmes à ces moments-là. Cette formule se veut dans le moule global du film et de la tendance historiographique actuelle, qui divise les parcours entre soldats blancs et de couleurs, et place les soldats français, blancs (ce mot m’agace mais je suis obligé de l’employer pour faire comprendre le problème) dans le mauvais rôle. Chose qui, en plus ici, est accentué par l’esthétique du film et les costumes des personnages…
II/ L’esthétique, les costumes et les rôles des personnages. C’est assumé par le réalisateur : le traitement de l’image est de type western. Malheureusement, cela détourne en partie l’attention du spectateur néophyte des gros problèmes du film, à commencer par l’esthétique de certains personnages :
1 - le tatouage est, à l’époque du film, encore particulièrement mal vu et assez peu répandu dans la société européenne. Se faire tatouer c’était passer pour un « mauvais garçon » par exemple, on se fait aussi à l’époque tatouer pour marquer une appartenance à groupe dans le banditisme par exemple. Les personnes qui se faisaient tatouer le faisaient donc à des endroits de leurs corps où il leur était encore possible de masquer le tatouage avec un vêtement. Or ici, dans le film, nous avons un soldat européen tatoué sur le visage avec en plus, un motif de tête de mort stylisé. Outre le dessin en lui-même qui ne correspond pas du tout à ce qui se fait à cette époque, c’est quelque chose d’impensable pour un soldat de cette époque où, le seul contexte dans lequel cela serait possible historiquement, ce serait que cet homme soit un délinquant ou un criminel et qu’il ait été jugé et condamné à servir dans une unité disciplinaire pour purger sa peine. Or en 1960, cette unité est le 3e BILA, et je ne connais aucun exemple de soldats tatoués au visage, de plus de la sorte, au 3e BILA. Donc le fait que ce personnage soit un tireur d’élite dans un commando (je vais parler de ce commando plus bas) est absolument faux historiquement. De plus, l’arme de ce personnage est un fusil allemand Mauser K98 avec une lunette et un silencieux : une telle arme, dans cette composition (lunette + silencieux) n’a jamais été utilisée par l’armée française en Algérie. L’apparition d’une telle arme aux mains d’un tel personnage dans ce film relate plus de la tournure romantique, cliché que ce dernier prend, comme dans un film d’action pur finalement, que d’un film historique sur la guerre d’Algérie.
2 – le réalisateur, en plus d’inventer un personnage de toute pièce, arrange la réalité historique à son discours pour en créer d’autres. Le personnage inspiré, comme le dit le réalisateur dans une émission de TV, de l’adjudant-chef Vandenberghe en est un parfait exemple (mais n’est pas le seul) : L’adjudant-chef Vandenberghe était, comme le précise le réalisateur dans la même émission, fils de mère juive [d’origine, a oublié de préciser le réalisateur] espagnole. Mais il à omis de dire que Vandenberghe est mort en Indochine, tué dans son sommeil à l’âge de 24 ans en 1952, trahit par son sous-lieutenant, combattant du Viet-Minh avant de s’être rallié à l’armée française. Vandenberghe était le plus décoré des sous-officiers de l’armée française comme le précise encore le réalisateur dans l’émission, mais en plus il était très jeune, il se trouve qu’il était « blanc » (le personnage du réalisateur est noir) et qu’il n’a pas connu la guerre d’Algérie puisque mort en 1952 en Indochine. Donc plutôt que de représenter ce jeune et sous-officier d’exception, pourquoi ne pas avoir choisit plutôt de représenté réellement un soldat « noir », sans arrangement pour le film, qui a fait la guerre d’Algérie et qui s’est distingué dans son parcours ? Il y a des centaines d’exemples connus de parachutistes noirs aux 2e, 6e et 8e RPIMa (et oui, des parachutistes originaires d’Afrique noire !) qui se sont distingués et dont il serait très intéressant de parler. Mais le réalisateur a préféré lire l’histoire d’un homme sur Wikipédia et l’arranger à sa sauce, c’est fort dommage.
3 – je ne parlerais pas aussi longtemps de la grotesque représentation, caricaturale, de l’officier parachutiste en rayban, béret rouge (modèle trois parties d’ailleurs, qui n’est plus porté en 1960 même chez un officier) vissé sur la tête et clope au bec, fumant posé devant sa tente ornée d’un crâne et d’os croisés devant. Tentative pitoyable et nanardesque de faire passer l’armée française pour les gros méchants de l’histoire (que ce soit l’histoire de France, de l’Algérie et du film).
4 – la composition du « commando » : La diversité des quelques soldats qui composent le commando que nous suivons dans le film ne représente en rien une quelconque réalité historique. Par exemple, on en a déjà parlé, le sous-officier « inspiré » de Vandenberghe, le colonel qui lui n’a rien à faire là, le soldat d’origine européenne tatoué, la combattante hmong… Parlons-en. Malheureusement pour notre réalisateur, aucune femme hmong n’a combattu dans un commando au sein de l’armée française en Algérie. Ce n’est pas un mal ni une critique, c’est un simple fait historique. Dommage de ne pas avoir plutôt représenté des hommes du commando Dam-Sam par exemple… mais là encore ils sont en unité constitué, ils sont plusieurs centaines et combattent ensembles, pas dispersés au cas par cas comme pour la combattante hmong du film. C’est encore ici un bel exemple d’arrangement à sa sauce du réalisateur, qui préfère déformer la réalité historique pour l’accorder aux goûts du jour pour bien vendre son film, plutôt que de représenter, sans nul avoir besoin d’exagérer quoique ce soit, de véritables parcours personnels. Je comprends tout à fait le besoin d’accorder les rôles dans le film dans un but de représentation de la diversité, comme dit le réalisateur dans l’émission dont je parle plus haut, être français n’est pas qu’être blanc, catholique et avoir un nom à particule. Mais pourquoi inventer des profils illogiques, alors qu’il y a tant de profils réels, historiques, de soldats d’origine d’Afrique-du-Nord, d’Extrême-Orient, d’Afrique « noire », etc. ? Il ne faut pas non plus que la représentation de ces personnes là efface totalement les soldats d’origine européenne qui se sont pourtant, eux aussi, tout autant distingué ? Pourtant c’est ce que fait le film et, à en bien comprendre le réalisateur, c’est ce qu’il recherche à faire. C’est une sorte de discrimination positive, autodestructrice.
Conclusion
Il y a de nombreux autres points que je n’aborde pas, car l’essentiel des mes idées sont ici argumentées, et rien ne sert d’enfoncer le clou, mais pour moi, même si le réalisateur dans le fonds a une intention tout à fait louable, s’est fourvoyé en oubliant qu’il n’était ni historien, ni spécialiste du sujet, et qu’il ferait mieux de rester dans le domaine du film d’action plutôt que de souiller la vérité historique et d’inculquer un regard plus que biaisé à un large public.