À l'instar de l'oublié "Flight Plan" où une Jodie Foster perdait inexplicablement sa fille dans un avion en plein vol, "Fractured" fait partie de ces petits thrillers au point de départ forcément très intriguant avec la disparition presque absurde d'un proche du héros mais dont, on le sait presque par avance, la résolution du mystère aura souvent du mal à être à la hauteur des attentes suscitées.
Ici, "Fractured" met en scène Ray Monroe (Sam Worthington), un père de famille au bord de la brèche qui, suite à un accident, emmène sa fille blessée à l'hôpital accompagné de sa femme (Lily Rabe). Problème, après que la petite Peri soit partie passer un scanner avec le soutien de sa mère, Ray pique un méchant roupillon et, à son réveil, impossible de remettre la main sur sa famille, d'autant plus que le personnel de l'établissement n'a aucune trace de leur présence. Ray est-il dingo ou est-ce là le début d'une sombre machination ?...
Aux commandes du film, on retrouve Brad Anderson, un cinéaste à la filmographie éclectique -et pas toujours pour le meilleur- mais qui semble être l'homme de la situation par sa propension à aimer distordre la réalité perçue par les personnages torturés qu'il met en scène (il y revient sans cesse, de son fait d'armes le plus connu "The Machinist" à "Hysteria" dans un autre registre plus récemment). Avec Ray, ce héros pris entre un passif que l'on comprend lourd, le choc de l'accident et des membres du corps médical apparemment louches, le réalisateur va vite profiter du trouble dans lequel celui-ci se retrouve plongé pour multiplier les pistes plausibles afin de nous faire douter sur les tenants et aboutissants de la situation. D'ailleurs, peut-être qu'un des majeurs soucis de "Fractured" est d'en survoler beaucoup trop dans sa première partie, des plus réalistes aux plus paranoïaques, cela a certes le mérite de nous faire comprendre l'état de panique d'un Ray complètement déboussolé mais cela laisse aussi finalement peu de place à l'imagination du spectateur comme tout ou presque est déjà envisagé à l'écran à un moment ou à un autre.
Heureusement, et on ne s'était pas trop trompé là-dessus, Brad Anderson va mener sa barque de manière efficace, ricochant plutôt habilement entre toutes les hypothèses envisagées pour donner un rythme soutenu à l'ensemble. Alors oui, en tant que héros seul envers et contre tous, le personnage de Ray va parfois prendre des décisions irrationnelles qui ne vont pas arranger ses affaires, une ficelle bien pratique pour faire avancer l'intrigue, mais "Fractured" a la bonne idée de toujours rester au plus près de sa vision des choses, de faire des maux qui le rongent des points de bascule entre le réel et peut-être ce qui ne l'est pas dans le but de rendre la frontière les séparant de plus en plus étanche.
Bien secondé par un Sam Worthington convaincant dans toutes les tergiversations qu'implique un tel rôle, Brad Anderson a l'air de savoir que sa proposition aura du mal à passer pour originale et que lui-même a déjà emprunté des sentiers similaires par le passé mais il la délivre avec savoir-faire et, en plaçant comme très souvent la souffrance humaine au centre de ses préoccupations, il parvient à la rendre un minimum pertinente.
À l'image de la révélation finale qui s'inscrit de manière cohérente avec tout ce qui l'a précédé sans toutefois créer un vrai effet de surprise, "Fractured" est un thriller suffisamment honnête afin de se laisser suivre sans réel déplaisir mais l'offre globale qu'il représente n'a hélas plus grand chose de neuf à proposer pour se renouveler ni même se démarquer.