La Couleur Pourpre : les secrets du tournage

Publié en 1982, La Couleur pourpre est un livre d’Alice Walker, inspiré de sa propre vie, qui a décroché le prix Pulitzer et le National Book Award. Trois ans plus tard, Steven Spielberg l'adapte au cinéma et récolte onze nominations aux Oscars. En 2005, l'ouvrage donne lieu à un spectacle musical à Broadway, récompensé par des Tony et des Grammy Awards. La Couleur pourpre de Blitz Bazawule est une transposition du spectacle pour le grand écran. Ce nouveau film est produit par Spielberg, Oprah Winfrey et Quincy Jones – tous impliqués dans la version de 1985 – auxquels se joint Scott Sanders, auteur du spectacle.

Ce dernier s'est investi dans cette nouvelle adaptation par passion pour le personnage de Celie : "Quand j’ai lu le roman d’Alice Walker il y a longtemps, j’ai été bouleversé par le parcours de Celie. J’ai trouvé que cette femme était l’une des héroïnes les plus extraordinaires de tous les livres – de fiction ou pas – que j’avais lus. Et j’ai trouvé que ce récit classique où le personnage principal surmonte l’adversité était, à bien des égards, émouvant, galvanisant, triste, joyeux..."

Actrice dans la version de Steven Spielberg, Oprah Winfrey est productrice de La Couleur pourpre : "Il ne s’agit pas de La Couleur pourpre que nos parents ont aimée, mais ces derniers vont aussi adorer cette version". Elle ajoute : "C’est une œuvre pleine d’espoir qui redonne le sourire aux gens. Si les gens sont sortis du spectacle en larmes, si des femmes noires, très croyantes, ont afflué des quatre coins du pays pour aller voir le spectacle – certains voyaient un spectacle musical pour la première fois –, c’est parce qu’on en repart le cœur léger et plein d’espoir. L’espoir est un sentiment fondamental. Il vous donne des ailes. Comme on le dit dans notre communauté, il vous remplit et vous comble".

Passionnée par l’œuvre d’Alice Walker, Oprah Winfrey était initialement sceptique lorsque Scott Sanders, qui a largement contribué à monter La Couleur pourpre à Broadway en 2005 et 2015, lui a proposé, en 2018, de tourner un nouveau film à partir du spectacle : "J’avais le sentiment que le film réalisé en 1985 a une telle importance – en tout cas dans ma vie – qu’il résiste au passage du temps. Quand on le revoit aujourd’hui, il n’a pas pris une ride." Elle a décidé de demander à Steven Spielberg l’autorisation de mettre en chantier une nouvelle adaptation pour le cinéma. Le cinéaste a accepté : "Il a compris qu’aujourd’hui, où le mouvement MeToo est devenu l’occasion pour les femmes de prendre la parole et de s’exprimer ouvertement, le moment était le bon."

Réalisateur de La Couleur pourpre, Blitz Bazawule a mis en scène auparavant The Burial of Kojo et co-signé Black is King, l'album visuel de Beyoncé. Il avait déjà lu le livre et vu le film de Steven Spielberg quand on lui a proposé de rencontrer les producteurs fin 2020, mais ne connaissait pas le spectacle musical.

Scott Sanders, auteur du spectacle, évoque le réalisateur : "Blitz est un musicien à part entière – il a son propre groupe, il participe à des tournées à travers le monde... Il dispose d’une expérience fantastique et de vrais dons. Du coup, quand on a entamé notre démarche de recrutement et que les réalisateurs nous faisaient part de leur regard sur le film, Blitz nous a littéralement époustouflés."

Fantasia Barrino reprend le rôle de Celie, qu'elle tenait en 2005 dans le spectacle musical. La Couleur pourpre est son premier grand rôle au cinéma : "Je savais que je pouvais jouer Celie parce que j’ai déjà interprété le rôle et que je le connais. Je savais que j’en étais capable, mais je ne savais pas si j’avais envie de me replonger dans certains souvenirs et certaines émotions. J’aime Celie, et je cherche aussi à me préserver, si bien que j’ai empoigné ma peur et que je l’ai mise à distance. Et voilà le résultat !"

Communément connue sous le nom de Fantasia, l'actrice et chanteuse a été révélée par l'émission de télé-crochet American Idol, qu'elle a gagnée en 2004. Elle a dû apprendre à faire des claquettes pour le film : "Je n’avais jamais fait de claquettes de ma vie entière, mais Blitz [Bazawule, le réalisateur] et Fatima [Robinson, chorégraphe] m’ont proposé de m’y mettre, je les ai regardés et je leur ai dit ‘De quoi vous me parlez ?’ Mais je me suis entraînée... Et encore, et encore ! Je me suis inspirée des formidables backup dancers – ceux qui accompagnent le numéro de la star."

À l'instar de Fantasia Barrino, Danielle Brooks reprend le rôle de Sofia qu'elle tenait dans le spectacle de Broadway, plus précisément dans le revival de 2015 : "Comment ne pas revenir à Sofia ? C’est un tel bonheur de jouer ce personnage. Elle est extrêmement complexe et c’est un rôle très difficile à interpréter. C’est d’abord quelqu’un au tempérament volcanique qui, en réalité, est très cool quand on la provoque un peu, puis qui subit des échecs avant de se relever. J’ai beaucoup aimé l’incarner parce qu’elle est très authentique et qu’on se reconnaît en elle."

Blitz Bazawule voulait apporter une autre dimension au personnage de Monsieur, qui peut facilement être envisagé comme un pur méchant : "on souhaitait explorer sa psychologie et ses motivations. Colman Domingo campe Monsieur comme un être blessé qui finit par comprendre qu’il n’est jamais trop tard pour se racheter".

Le comédien ajoute : "Il était essentiel pour la production que Monsieur ait droit à une forme de rédemption. C’est un élément qui a sans doute manqué dans les adaptations antérieures du livre. Les auteurs du film se sont efforcés de faire en sorte que ce soit un être complexe, humain, dont on comprend pourquoi il souffre autant, et pourquoi il s’en prend aux personnes de son entourage."

La Couleur pourpre marque les début au cinéma de Phylicia Pearl Mpasi et de la chanteuse H.E.R.. La première interprète Celie jeune : "Je priais le ciel de décrocher un rôle comme celui-ci et je voulais vraiment prouver que je méritais, en tant que comédienne, de l’obtenir et que j’avais toute une histoire avec ce personnage. J’ai toujours voulu inspirer les autres, tout comme ceux qui m’ont précédée m’ont inspirée, et j’espère que c’est le cas avec ce rôle ! Ce projet est arrivé à un moment idéal et, bien entendu, je n’ai pas hésité une seconde avant de dire oui ! Quel rêve absolu de faire ses débuts au cinéma de cette façon !"

La chanteuse Gabriella Wilson, alias H.E.R., récompensée aux Grammy Awards, incarne Squeak : "Ce sont mes débuts officiels d’actrice – autant dire que c’était important pour moi, surtout quand on connaît toute l’histoire de La Couleur pourpre et de ses différentes adaptations. Je n’oublierai jamais le jeu d’Oprah et Whoopi, deux femmes à la force étonnante, qui se donnaient la réplique dans un film. C’est fou de se dire que je fais désormais partie de cet univers ".

La production a trouvé dans la petite ville de Grantville (3115 habitants) en Géorgie sept lieux de tournage majeurs, dont la prison, la supérette et le bar. "Grantville possède toujours la rue principale d’origine, avec tous les vieux bâtiments et le style qu’on recherchait", relève le régisseur d’extérieurs John Latenser. "On y trouve aussi une voie ferrée qui traverse la ville, ce qui était très courant à l’époque. Blitz [Bazawule] nous a expliqué qu’il voulait que le film soit un voyage, pas seulement pour le spectateur, mais aussi pour les personnages. Chacun se déplace au fil du récit".

La maison de Shug a été dénichée dans le quartier cossu d’Inman Park, à Atlanta, tandis que celle de Monsieur se trouve dans le Carroll County. D’autres décors ont été repérés à Macon, Savannah et plusieurs petites villes de la région. Le chef-décorateur Paul D. Austerberry raconte : "La grande majorité des intérieurs ont été tournés ou reconstitués en studio, mais on a aussi reconstitué certains éléments de décor en extérieurs. On a dû créer la cabane de Harpo, la maison de Harpo et Sofia et le juke-joint de Harpo près d’un marécage, en décors naturels. On a aussi construit une station-service sur une grande artère de Macon, et trois maisons sur un terrain arboré de Jekyll Island pour créer le décor de Backcountry Road. Toutes ces constructions ont été réalisées sur des sites qui sont restés intacts par rapport à l’époque et au récit du film".

Le réalisateur avait des idées précises sur l’utilisation de la couleur dans le film, à commencer, bien entendu, par le pourpre très peu présent dans la première partie pour mieux mettre en valeur sa force lorsqu’il éclate à l’écran. "En général, la palette de couleurs, dans ce genre de film, est dans les bruns, ocre et verts. Blitz [Bazawule] voulait conserver le bordeaux et les rouges pour les personnages influents et puissants. Du coup, lorsqu’on fait la connaissance de Shug, par exemple, elle débarque dans une décapotable bordeaux. Et pour son arrivée dans le juke-joint, Francine a conçu une magnifique robe rouge et une sublime coiffe en plumes rouges", déclare le chef-décorateur.

À chaque fois que c’était possible, les mixeurs Steve Morrow et Richard Bullock ont utilisé des oreillettes Phonak Roger – 41 au total, pour l’une des séquences les plus importantes, entre les acteurs, les danseurs et les choristes – afin d’enregistrer les chansons en « live » et, par conséquent, de se passer des haut-parleurs. Une méthode qui a permis aux monteurs de disposer d’un environnement sonore plus naturel autour de chaque chanson et d’assurer davantage de fluidité aux transitions entre les parties dialoguées et les parties chantées.

Pour certaines chansons, les voix ont été entièrement enregistrées en plateau. C'est le cas par exemple pour la scène où Celie interprète I'm Here, où Fantasia Barrino avait un micro-cravate dissimulé dans sa perruque.