Marie-Clémence Paes explique pourquoi le genre documentaire lui semble plus adapté pour évoquer les questions mémorielles : "Le documentaire est un genre puissant pour le questionnement. Ils sont des "machines à réfléchir" et non à distraire. Or, le travail de mémoire ne devrait pas être exclusivement celui des universi- taires mais celui de chaque citoyen, de chaque être humain. Le cinéma est un genre populaire qui peut toucher beaucoup de personnes, quel que soit leur niveau d’instruction. J’aime beaucoup cette citation de Churchill, qui était pourtant un dirigeant plutôt libéral : « celui qui ignore son passé est condamné à le revivre ». Il est très im- portant que le réel aide à transmettre les enseignements du passé. Le cinéma do- cumentaire permet de porter avec force le passé jusqu’à nos yeux et nos oreilles, notamment grâce aux archives et aux témoignages."
En travaillant sur ce sujet, Marie-Clémence Paes questionne également sa propre identité. La réalisatrice explique : "Je suis le fruit d’une histoire coloniale. Née d’une mère malgache et d’un père français, je suis donc métisse et mariée à un Brésilien. Pour beaucoup de personnes, je ne suis ni Malgache ni Française. Je me sens pourtant 200%, c’est-à-dire 100% Malgache et 100% Française. Selon moi, cette double culture est un énorme avantage et non un handicap. En choisissant ce sujet, j’aimerais raconter les années 1940 du point de vue des Malgaches, notamment des soldats, car je n’ai jamais entendu que la version française de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale à l’école."
Pour Marie-Clémence Paes, les crimes coloniaux font de l’ombre et continuent d’affecter la vie des gens à leur insu. "Nous sommes maintenant la troisième génération et alors que la quatrième génération arrive, ceux qui ont vécu les épisodes douloureux de l’histoire coloniale n’ont pas pu ou pas voulu transmettre ce qu’ils ont vécu. Les raisons sont multiples et souvent très personnelles. Certains voulaient essayer d’oublier à jamais, par culpabilité peut-être, ou par ignorance, voire par amour pour leurs enfants afin de les protéger. Dans certaines familles, ce sujet est toujours un tabou, un silence tacite par crainte de revivre les douleurs du passé mais aussi par habitude car il fal- lait se taire pour survivre. La censure et la répression après les événements de 47 ont durablement installé un climat de suspicion et la pratique de la délation, contribuant à épaissir le silence autour des témoignages."