Le Rouge et le Gris est l'ultime film de François Lagarde, disparu en 2017.
Le Rouge et le Gris s'appuie sur environ la moitié d'Orages d'acier, roman d'Ernst Jünger publié en 1920. L'écrivain allemand y témoigne de la Première Guerre mondiale à laquelle il a participé en tant que soldat. Le réalisateur François Lagarde se souvient : "À 18 ans j’ai lu Orages d’acier. L’expression des détails, dégagée de toute charge psychologique, de tout affect m’avait fasciné. L’écriture de Jünger ressemblait à la photographie. À cette époque j’étais déjà photographe réalisant ainsi un rêve d’enfance. Ce livre fut ma rencontre littéraire".
Passionné par la photographie qu'il pratique depuis l'âge de 14 ans, François Lagarde a rassemblé durant vingt ans la matière du Rouge et le Gris, soit des milliers de photographies, pour la plupart inédites, de la Première Guerre mondiale prises par les soldats allemands.
Christine Baudillon, monteuse du film, raconte : "[François] a donc acheté sur plusieurs années toutes les images (qui sont en quelque sorte la correspondance photographique du texte de Jünger) pour en être totalement propriétaire, car vous imaginez bien que ce film en termes de droits photographiques aurait été impossible à réaliser. C’est donc un travail colossal et vertigineux, car ce que décrit Jünger dans Orages d’acier, avec une précision remarquable, est là devant nos yeux. Les photographies sont pour la plupart faites par des soldats et quelques professionnels, mais la grande majorité sont réalisées par des amateurs sur le front et puis certaines sont issues du fond Ernst Jünger des archives de Marbach en Allemagne".
La monteuse Christine Baudillon revient sur la narration du long métrage : "Le texte est porté par la voix d’Hubertus Biermann, qui est à la fois musicien, contrebassiste et comédien de théâtre. François voulait que le texte soit lu en français, dans la magnifique traduction d’Henri Plard, mais par un allemand totalement bilingue, pour avoir cette Allemagne «imbriquée» dans la langue française. Et puis Hubertus a un magnifique grain de voix, sans effet ni emphase. Il fallait trouver quelqu’un qui puisse lire ce texte comme il est écrit, c’est-à-dire comme une photographie sans pathos. Sa voix est le texte".