Le 12 mai 2014, Camille Lepage, 26 ans, accompagnait un groupe de miliciens anti-balaka sur lesquels elle réalisait un reportage photo. Ils circulaient en moto et sont tombés dans une embuscade dressée par un groupe opposé, les Séléka. Camille a été tuée sur le coup. La carrière de photographe de Camille Lepage n'aura pas été longue : quelques semaines au Caire, en plein printemps arabe, puis un an au Sud Soudan, pendant lequel elle travaille pour l'AFP avant de devenir indépendante et finalement, la Centrafrique où elle a passé un peu moins de huit mois. Aujourd’hui, cinq ans après la mort de Camille, l’enquête piétine. Aucune reconstitution des faits n’a été réalisée à ce jour. Le dossier d’instruction un temps perdu à Bangui a été finalement retrouvé, mais la perspective d’un procès reste incertaine. Malgré tout, la famille Lepage continue à se battre pour que l’affaire ne soit pas enterrée et qu’on puisse au moins identifier avec certitude le groupe responsable de l’attaque.
Pour Boris Lojkine, Camille n’est pas un biopic au sens ordinaire. Le metteur en scène explique : "Ce n’est pas l’histoire d’une immense artiste. Lorsqu’elle est morte à 26 ans, Camille ne faisait de la photo que depuis deux ans. Elle avait très vite progressé, elle était devenue une bonne photographe, elle commençait à trouver son style. Mais son oeuvre était encore à venir. Elle n’a pas eu le temps. Camille est un récit d’initiation. C’est l’histoire d’une jeune femme idéaliste qui rêve de devenir photojournaliste pour venir en aide à des populations oubliées. Mais en Centrafrique, Camille se retrouve confrontée à une violence à laquelle elle n’est pas préparée. Comment raconter que des gens se mettent à couper leurs voisins à la machette quand on croit à la bonté de l’humanité ? Comment photographier la folie de la guerre quand on aime les gens ? Plongée au milieu de la crise centrafricaine, Camille s’efforce de continuer à faire son travail sans céder au cynisme. Mais est-ce possible ?"
Pour écrire le scénario de Camille, Boris Lojkine a effectué un long travail d’enquête. Le réalisateur a ainsi rencontré tous les proches proches de la jeune femme : sa famille, ses amis et tous ceux qui l’ont côtoyée dans le travail. "Je suis allé à Perpignan assister à des lectures de portfolio. J’ai fait de longues interviews. J’ai lu. Et bien sûr je suis allé en Centrafrique. La peur de trahir Camille m’a souvent obsédé. On ne peut pas s’emparer de la vie d’une personne récemment décédée et en faire n’importe quoi. J’ai essayé de trouver ce qui m’apparaissait comme sa vérité. Mais je me suis souvent demandé ce que Camille penserait du film, si elle s’y reconnaîtrait, si elle l’approuverait", se rappelle-t-il.
Pour incarner les différentes faces du conflit centrafricain, Boris Lojkine a imaginé trois personnages d’étudiants : Cyril, jeune étudiant rappeur qui deviendra Anti-balaka ; Leila, fille d’un musulman et d’une chrétienne, qui sera assassinée par des miliciens Séléka ; et Abdou, jeune musulman qui sera contraint à l’exil. "Bien qu’ils m’aient été inspirés par des personnages réels, ces trois personnages sont fictifs, tout comme les personnages de journalistes. La vraie Camille Lepage a bien rencontré un jeune étudiant rappeur, Cédric Pidjou, auteur du rap que Cyril chante dans la manifestation anti-Séléka. Mais Cédric n’est jamais devenu Anti-balaka. Et ce n’est pas pour lui que Camille Lepage est revenue en Centrafrique", précise le cinéaste.
Boris Lojkine explique pourquoi il a choisi Nina Meurisse pour jouer Camille : "Nina porte en elle ce mélange de naïveté et de détermination qui est pour moi la définition du personnage. D'un côté elle a ce grand sourire lumineux, ce visage aux pommettes hautes, cette joie enfantine. De l’autre, elle dégage une grande force morale, une véritable intériorité, une profondeur. J’avais tourné Hope, mon premier film de fiction, avec des comédiens non professionnels castés parmi les communautés de migrants. Mon travail avec Nina a été ma première collaboration avec une actrice, et j’avais un peu peur. Peur que Nina reste Nina et ne soit pas Camille. Peur de ne pas retrouver la même vérité que dans Hope. Nina s’est énormément préparée pour le rôle. Elle a beaucoup lu sur Camille, sur la Centrafrique, sur le métier de photojournaliste. Elle s’est mise sérieusement à la photo, elle a pris des cours, elle est allée travailler avec des photographes de l’AFP. Et puis elle est venue en Centrafrique. Elle avait beau s’y être préparée, elle ne s’attendait pas à cela."