Après un premier opus qui peut prétendre au rang de chef-d’œuvre, la saga Candyman s’est embourbée dès son second volet pour littéralement exploser lors d’un troisième film de sinistre mémoire.
Dès lors, la vague des suites tardives/soft-reboots initiée par le Halloween de 2018 était propice à la relancer. Avec succès ?
Pour ma part, la réponse est un grand oui. Candyman 2021 est une réussite tout à fait dans la veine de l'original de 1992 réalisé par Bernard Rose.
Faux remake, mais vraie suite, cette nouvelle version signée Nia DaCosta prend le pari de prolonger l’histoire du premier opus en y puisant directement certains éléments de son intrigue, le tout en étoffant la mythologie de son boogeyman et en exacerbant la critique sociétale déjà présente dans le volet précédent (Il fallait s'y attendre avec Jordan Peele au scénario et à la production).
Je vais détailler le positif, puis aller chercher la petite bête dans la ruche avec les observations qui fâchent.
Pour le positif... y'en a tellement...
Mise en scène grâcieuse et hyper inventive, très recherchée et stylisée, dont certains plans sont aussi travaillés et riches qu'une peinture de maître.
Les meurtres, peu nombreux, sont tous très surprenants et réussis, mais ne combleront pas tout le monde.
La première séquence avec deux victimes est incroyablement efficace, bien gore, et superbement mise en scène, avec un montage d'une grande qualité. A mon avis, elle ne peut que plaire à tout le monde !
Ensuite c'est très différent comme approche.
Personnellement, ça m'a toujours gonflé l'alibi "on montre rien, on suggère c'est plus efficace, l'imagination du téléspectateur rend ça beaucoup plus effrayant" et autre foutaises du genre qui en fait sous-entendent souvent
1. On n'a pas de budget,
2. On veut éviter la censure et ratisser un public large pour mieux thuner,
3. On sait pas comment faire parce qu'on est nuls pour faire des scènes-chocs... alors on fait pas, vous vous démerdez avec votre imagination, on s'en fout vous avez déjà payé la place.
Ça va, Pouce!, c'est bon vos excuses foireuses, donnez-en moi pour mon argent !!
Mais pour ce Candyman, c'est pour de de bonnes raisons, pour de vraies raisons artistiques que les meurtres suivant ne sont plus aussi graphiques et frontaux.
Mais ils sont tous incroyablement efficaces, tellement la mise en scène se montre exceptionnellement inventive, avec encore une fois un montage épatant.
Le second meurtre est bien celui qui m'aura le plus surpris.
Il utilise un procédé qu'à ma connaissance je n'ai jamais vu auparavant, et à fait que j'ai vraiment été surpris.
il s'insère en fin de séquence dans un mouvement de caméra qui normalement annonce la fin d'une scène. C'est pas y'a le mouvement de caméra, ça s'arrête et on revient sur le meurtre; non c'est à l'intérieur même de ce mouvement qui clos la scène que se passe le meurtre auquel on ne croyait plus. Extrêmement surprenant, inventif et efficace ! J'ai été cueillis, et bon sang qu'est-ce que ça rend bien tel que c'est fait !!!
Troisième massacre sur un groupe entier de jeunes bimbos débiles qu'on a plaisir à voir se faire buter:
Beaucoup de suggestion encore, qui normalement devrait encore être très frustrante, sauf qu'à nouveau c'est remarquablement fait.
Tout est du point de vue d'un témoin involontaire qui se trouve sur la cuvette des toilettes, et ne fait qu'entendre où voir le peu qui tombe devant le petit espace sous la porte.
Alors un trésor d'imagination auditive et visuelle pour vous faire comprendre que derrière, c'est un sacré bordel.
Une réussite encore !
Mais les fans de boucherie frontale vont râler !!!
Le massacre final avec nos amis les keufs est aussi d'une visibilité très relative, mais à nouveau somptueusement mis en scène, avec un travail visuel de toute beauté, d'une grande poésie macabre.
Bon, maintenant les choses qui fâchent:
Jusqu'à la moitié du film, pour moi c'est un bon 10/10. Un chef-d'oeuvre en fait.
Ensuite on a peur que le scénario faiblisse quand on voit la main du héros se détériorer de plus en plus suite à une piqûre d'abeille, car on a peur que cela signifie la solution facile et évidente à laquelle on pense... et malheureusement ce sera le cas !
C'est logique, c'est inéluctable et va totalement dans le sens le la nouvelle mythologie autour de l'identité de Candyman, mais c'est terriblement cliché et attendu.
Ensuite...
ATTENTION le paragraphe qui suit est blindé de spoilers, passer au suivant si vous n'avez pas vu le film.
Ensuite, le fait qu'il y ait plusieurs Candymen, qu'en fait Candyman soit une entité de souffrance, celle de plusieurs victimes noires innocentes qui réclament vengeance; est très intéressante mais exploitée d'un manière qui n'évite pas les illogismes.
En effet pourquoi c'est plus un Candyman qui apparaît et pas un autre quand on l'appelle ?
Pourquoi c'est que Robitaille dans le premier film, et là un autre, alors que les victimes qui l'appellent ne sont pas forcément liées ? Comment se fait ce choix à l'appel du nom ? D'ailleurs puisque le héros est en fait le bébé noir que le Candyman Robitaille avait emporté avec lui avant d'être sauvé par Helen dans le premier film, pourquoi ce n'est pas Robitaille qui gravite autour de lui plutôt qu'un inconnu sorti du chapeau ?
Vous allez me répondre "oui mais à la fin il est clair que le Candyman c'est une seule entité qui les rassemble tous, elle est multi-visages".
Ok, mais pourquoi on n'en voit qu'un seul dans le premier film et que c'est un autre et le même dans les trois premières séquences de meurtres de celui-ci ?
Est-ce que toutes les entités sont là en même temps ou elles alternent ? Si elles sont toutes en Candyman, comment est choisi son apparence alors ? Si y'en a qu'une seule présente à chaque fois, pourquoi celle-là et pas une autre ??
Autre chose, un des personnages va créer un nouveau Candyman car il trouve que les actions de Candyman c'est trop cool, etc. etc., bref un taré quoi... (quoique y'a beaucoup de travail à faire dans les cités, et quand on voit un film comme "BAC Nord" on comprend que la police ait besoin de beaucoup de renforts. Mais je m'égare), mais à quoi ça sert d'en créer un de plus puisque l'entité existe déjà, a été réveillée et a recommencé les massacres ? Quelle utilité ?!??
Pour les fans de Tony Todd comme moi, qui malgré l'extension du mythe pensent qu'il est le seul Candyman et pleurent d'en voir un autre, sachez qu'il est introduit à la fin de manière très intelligente, et pas juste en "fan-service".
Une chose marrante, digression personnelle totalement hors-sujet, y'a un des acteurs noirs qui ressemble vachement à Chris Rock je trouve, sauf qu'il joue bien.
Alors ça fait bizarre, à chaque fois que je le voyais je m'attendais presque à ce qu'il joue comme un pied en gesticulant et grimaçant comme un abruti - le traumatisme post-Chris-Rock vous connaissez ? -, sauf qu'il jouait bien... Encore une grosse bonne surprise du film.
Contrairement au film "Spiral", y'a pas d'erreur de casting embarrassante. :)
En parlant du casting, les interprètes sont vraiment tous impeccables... à part peut-être celui qui joue la tapette black qui est peu gavant quand même, et dont on comprend mal l'utilité. Peut-être que parce que la caricature veut que dans le milieu artistique contemporain, être un tapette bien efféminée est top tendance. Enfin bon, ça aurait été bien que cette caractéristique très apparente ait un sens dans le scénario plutôt que de tomber comme ça "pour mettre de l'humour" (moi à force, tout ce que j'avais envie, c'est qu'il prononce 5 fois 'Candyman' devant sa glace de tata)...
Ce que je retiens de ce film, c'est déjà que la mise en scène est magistrale, superbe et inventive.
Tellement, qu'elle a réussi à me faire apprécier des séquences suggestives alors que je suis plutôt un bovin à aimer qu'après m'avoir alléché on m'envoie le foin !
Le scénario sait garder l'essence du premier film, en être autre chose qu'une fausse suite opportuniste et hypocrite, mais est un réel prolongement de son modèle. Et qu'en plus de ça, il sait s'en démarquer et apporter quelque chose de nouveau et utile. On est loin de Candyman 3 !
Malheureusement, en voulant créer un cheminement implacable pour son personnage et l'insérer dans la mythologie, le film devient cliché et prévisible, et si le renouvellement du concept est très bien vu, il n'est pas exploité sans illogisme.
Le scénario, malin pourtant, ne l'est pas assez pour éviter de se prendre les pieds dans le tapis.
Gageons que vu le succès du film, une suite arrivera vite et corrigera tout ça au lieu d'aller dans le n'importe quoi racoleur et prétentieux qui est devenu la marque de fabrique des Saw...