L'idée de Fleurs amères est venue à Olivier Meys en 2008. Le réalisateur était à Paris pour présenter un de ses documentaires au Festival du Cinéma du Réel. "Entre deux séances, je me baladais dans la ville et je suis tombé par hasard sur un petit groupe de femmes qui faisaient les cent pas. A leur accent, à leur physique, j’ai compris que c’était des Chinoises du Nord-Est. Ce n’était pas des Chinoises de Paris, qui proviennent en grande majorité du Sud de la Chine. Et pourtant il était évident qu’il ne s’agissait pas non plus de touristes. Je me suis alors intéressé à ce groupe, à ceux qui travaillent avec ces femmes, comme Médecins du Monde."
Diplômé en réalisation Cinéma et Radio à l’institut des Arts de Diffusion (IAD - Belgique, 2000), Olivier Meys est rapidement parti travailler en Chine. Témoin privilégié des changements sociaux importants vécus par ce pays durant ces dernières années, Olivier Meys a réalisé sur place de nombreux documentaires radiophoniques primés dans plusieurs festivals internationaux (Grand Prix radio de la SCAM 2007, Grand Prix Nagra de la création au festival Longueur d’onde de Brest 2010). Olivier Meys a également réalisé des courts métrages et des films documentaires, dont Vies nouvelles, Prix du Premier Film au festival Traces de Vies (2005) et Qian men Qian, Prix International de la SCAM « Cinéma du réel » 2008.
Le cheminement des femmes de Fleurs amères est atypique. Leur région, le Dongbei, a longtemps été privilégiée, grâce à une industrie lourde qui attirait plutôt des gens d’autres provinces voulant y travailler. Il a fallu les changements socio-économiques en Chine dans les années 1990 pour que commence un processus d’émigration. Essentiellement, celles de femmes issues du Dongbei que les familles chinoises installées à Paris depuis longtemps appréciaient, parce qu’au Dongbei on parle le meilleur mandarin, et que, dès lors, comme nounous elles pouvaient l’enseigner aux enfants.
Mis à part pour le couple central et l’amie qui la rejoint, joué par des acteurs reconnus (Xi Qi, interprète de Lina, a joué dans plusieurs films d’auteur, dont Mystery de Lou Ye, qui est passé à Cannes), Olivier Meys a fait ses choix parmi des gens qui, soit n’ont aucune expérience d’acteur, soit ont tout juste fait quelques brèves apparitions, un peu de figuration. "Il y a même, dans le groupe, une femme dont le parcours est à peu près semblable à celui des nounous devenues prostituées du film. Je pense que mon expérience du documentaire a aiguisé mon intuition. Je me suis fait confiance. Avant d’apprendre le chinois, j’avais développé -je crois- un sens particulier pour tout ce qui relève du non-verbal, du ressenti des personnes. Je parle la langue, à présent, mais j’ai gardé un peu de ça."
Pour l’image, Olivier Meys a choisi Benoît Dervaux, connu pour son travail avec les frères Dardenne. "Je voulais ancrer le film dans cette ville de Paris où nous n’avions pas les moyens de bloquer une rue et de prendre des figurants. Alors il fallait tourner à l’arrache ! Benoît est aguerri à ça. Et c’est un ami, que j’ai rencontré à l’occasion de la présentation de documentaires belges en Chine, où on l’avait fait venir pour présenter son travail de réalisateur. Quand il tient la caméra, il trouve toujours la juste distance entre elle et les personnages qu’il filme. Une distance juste et humaine, dans le respect et dans le partage. On est à la fois avec et pas dans le gluant du dedans. Comme les personnages sont socialement et familialement fragilisés, je ne voulais aucun pathos, je ne voulais rien d’appuyé."