Avec son affiche/jaquette surfant explicitement sur la vibe "Stranger Things" ou son pitch évoquant pour la énième fois une enfant fugitive et dotée de super-pouvoirs, on ne peut pas dire que "Freaks" nous motive à le visionner tant l'overdose des ambiances rétro-80's autour de ce type de sujet se fait sentir ces derniers temps. Ce n'est d'ailleurs pas le duo Zach Lipovsky/Adam B. Stein à la tête de l'entreprise qui peut nous rassurer, le nom du premier étant rattaché à des trucs que l'on préfère tous poliment oublier comme "Leprechaun: Origins" ou "Dead Rising: Watchtower"... Pourtant, plusieurs choses attirent malgré tout notre curiosité : "Freaks" s'est clairement taillé une belle réputation après avoir écumé les festivals et son casting plutôt prestigieux -Emile Hirsch, Bruce Dern, Grace Park ou Amanda Crew, excusez du peu- nous fait dire que tout ce petit monde ne se serait pas lancer la tête la première dans un projet que l'on jugerait sans doute un peu rapidement opportuniste...
Oubliez les mauvais a priori et laissez une chance à "Freaks", croyez-nous, vous ne le regretterez pas ! Même s'il n'est pas parfait, le film est incontestablement une de ces bonnes surprises sorties de nulle part et dont on a envie de briser le triste anonymat en la recommandant à tout son entourage !
Du moins, pour être totalement sincère vis-à-vis de notre ressenti, il convient d'analyser "Freaks" sur les deux parties assez distinctes qui le composent.
Disons-le franchement, la première moitié du film ne sera pas celle qui suscitera le plus notre emballement. Zach Lipovsky et Adam B. Stein nous convient certes à une proposition solide prenant un malin plaisir à dévoiler progressivement les nombreux atouts de son univers mais, malgré tous leurs efforts, on ne peut pas dire que la vraie surprise soit au rendez-vous dès ces premiers instants.
En effet, le film joue essentiellement la carte du mystère entourant sa petite héroïne captive pour nous accrocher : ses relations étranges avec son père puis d'autres protagonistes, sa condition, ses capacités... Tout nous est retransmis à la hauteur du regard de cette fillette prise soudainement entre les feux de deux figures paternelles antagonistes alors qu'elle-même désespère de ne pas avoir une présence maternelle vers laquelle se tourner. Le discours sur l'influence d'une parentalité schizophrénique est bien là, les petites trouvailles de réalisation pour nous immerger, nous faire comprendre ce qui cloche aussi bien dans ce monde que chez ses personnages fonctionnent du tonnerre et permettent à "Freaks" de bénéficier d'un rythme soutenu par ses idées plutôt originales en la matière. Seulement, à force de vouloir trop disséminer des indices sur ce qu'il en retourne véritablement, le film fait tourner à fond les rouages de notre imagination -surtout pour les plus accros à la SF- au risque de finalement décevoir une fois la teneur de sa mythologie révélée. La façon assez brillante dont cette dernière est travaillée à l'écran s'avérera toujours convaincante mais, sur le fond, elle ne sera jamais aussi complexe que l'on n'aurait pu le supposer. Ajoutez à cela quelques facilités comme une concomitance extraordinaire d'événements ou le fait que la petite héroïne paraît avoir des illuminations un brin tardives au vu de ses capacités (le fantôme !) et vous obtiendrez un film qui fait certes un très bon boulot dans la représentation de tous les éléments de son cadre mais qui, au final, ne semble pas si imprévisible qu'il ne le pense...
Mais, bim, là où la plupart des propositions SF se seraient sans doute arrêtées là, déjà bien contentes de susciter un semi-enthousiasme auprès des spectateurs, la seconde partie de "Freaks" va faire tout le contraire en mettant les bouchées doubles sur tout ce qui a fait sa force jusqu'à présent ! Non seulement l'inventivité de la mise en scène se met à atteindre des sommets pour sublimer l'ampleur des morceaux de bravoure que l'intrigue gardait en réserve (et, bon sang, il y en a !!) mais le film ne perd jamais également de vue ses thématiques de fond, les poussant même avec une véritable jubilation dans ses retranchements les plus abrupts !
Zach Lipovsky et Adam B. Stein compensent ainsi un budget que l'on sent restreint par une générosité de tous les instants, surpassant toujours nos espérances pour tirer en permanence le meilleur du potentiel des éléments mis place plus tôt ! Bref, on en demande toujours plus et "Freaks" utilise toutes ses ressources pour nous l'offrir.
À ce stade, peu importe les limites entrevues de son univers, le film les transcende pour nous régaler jusqu'à ces ultimes instants nous laissant presque trop rapidement orphelin devant son générique de fin...
Quel petit bonheur SF à découvrir, ce "Freaks", à l'heure des produits aseptisés de masse ! Alors, oui, on se gardera bien de crier à la pépite incontournable car le long-métrage de Zach Lipovsky et Adam B. Stein a ses défauts mais, punaise, s'il fallait une preuve que les intrigues à super-pouvoirs peuvent déboucher sur de détonnantes surprises, "Freaks" serait dans les premiers nommés !