Le réel des rencontres s’impose dans les films de Pierre Creton. Ce sont des rencontres près de chez lui, à Vattetot-sur-Mer. Le sujet du Bel Eté est lié à une actualité politique, mais n’implique aucunement un changement de méthode. Il se construit avec des rencontres et l’arrivée des trois garçons : Amed, Mohamed et Wally, réfugiés de Guinée et du Mali. "Je suis resté dans la continuité de ma démarche qui est celle de tous mes films, filmer à partir de la rencontre, dans l’intime. Ici, celle de l’association « Des lits solidaires » et l’arrivée des trois garçons. Mon désir de cinéma est de filmer ce qui advient dans la (ma) vie ; entre l’espace de la rencontre et celui de l’engagement, il y a l’espace de l’amitié. Sophie Lebel*, une amie qui interprète Sophie dans le film, m’a fait rencontrer un réseau de familles d’accueil et Marie Imbert, devenue depuis présidente de l’association. Une séquence du film montre une assemblée générale dans le jardin de Vattetot-sur-mer. Je n’ai pas envisagé Le Bel été comme un film politique, pas d’avantage que mes autres films. Je pense que l’intime est politique ; sans doute aujourd’hui plus que jamais."
Les garçons sont arrivés chez Pierre Creton peu avant le tournage, en tous cas après l’écriture du scénario. Ils interprètent finalement leur propre rôle dans Le Bel Eté. Pour les personnages adultes, Simon, Robert, Sophie, mais aussi Nessim, les choses sont différentes. Ce sont des noms de personnages, ils sont joués, tout en renvoyant assurément à des vies et des moments vécus. C’est d’ailleurs aussi le cas pour Flora, l’adolescente. "L’association « Des lits solidaires » est née un an avant le tournage ; j’ai commencé à accueillir quelques mois avant l’association quelques jeunes réfugiés. J’ai commencé à écrire durant l’été 2017. Je savais alors que je continuerai à accueillir des jeunes, mais je ne savais pas lesquels seraient présents dans le film. Quand j’ai rencontré Mohamed et Amed, j’ai décidé de devenir « tiers accueillant » et qu’ils vivraient chez moi ; ils sont devenus les protagonistes du film. J’ai dû adapter le scénario. Quant à Nessim, il est interprété par Gaston Ouedraogo, un ami. Flora est inspirée d’une adolescente que j’ai accueillie plusieurs étés."
La musique du Bel Eté semble donner le rythme, présider au montage du film. "À partir du scénario et de quelques images, Marie et Lionel Limiñana m’ont envoyé les thèmes, de manière très régulière si bien qu’au montage toute la musique du film était là. Orientation pop, mais aussi cinématographique, précisément Ennio Morricone (Théorème, P. P. Pasolini). La musique de Marie et Lionel n’accompagne pas les images, elle a sa propre loi, un autre flux de sentiments et d’émotions qui entre parfois en concurrence avec elles, et nous les fait voir et comprendre de plus loin. J’ai fait le montage seul, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. J’aime retrouver l’ambiance de l’atelier. J’ai pu faire des coupes sèches, par exemple à la fin du film, le plan s’interrompt de manière assez définitive avec la chanson interprétée par Etienne Daho qui prolonge et crie pour Robert : I lost my son in the ocean. J’ai choisi de couper précisément le plan lorsque Nessim disparaît dans la vague", explique Pierre Creton.