Tous les films de Arnaud Desplechin, ou presque, sont romanesques. Avec Roubaix, une lumière, le réalisateur a voulu faire un long métrage ancré dans le réel, reprenant un matériel brut : un fait divers qui s'est produit à Roubaix en 2002, dans lequel un couple de jeunes filles toxicomanes ont tué une personne âgée. Dans le documentaire "Roubaix, commissariat central", datant de 2008, ces deux femmes avaient avoué ce crime... Il explique : "Comme le prologue du scénario l’indique : j’ai voulu ici ne rien offrir à l’imagination, ne rien inventer, mais retravailler des images vues à la télévision il y a 10 ans, et qui n’ont cessé de me hanter depuis. Pourquoi n’ai-je jamais pu oublier ces images ? C’est que d’habitude, je ne sais m’identifier qu’aux victimes. Je n’aime pas beaucoup les bourreaux. Et pour la première et unique fois de ma vie, chez deux criminelles, je découvrais deux soeurs."
Roubaix, une lumière a été présenté en compétition au Festival de Cannes 2019. Arnaud Desplechin est un grand habitué de la Croisette puisque la plupart de ses films y ont été présentés : Trois souvenirs de ma jeunesse, Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des plaines), Un conte de Noël, Léo, en jouant Dans la compagnie des hommes, Esther Kahn et Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle). Le cinéaste a même été membre du jury des longs métrages du Festival de Cannes 2016.
Roschdy Zem a plusieurs fois joué un personnage appartenant aux forces de l'ordre, comme par exemple dans Le Petit Lieutenant, Go Fast, Tête de turc, Une nuit ou encore Mains armées.
"Ce qui m’a sans doute tant frappé lorsque je découvrais ces images à l’origine de mon film, ce sont ces visages de femmes. Coupables et victimes. Pour Daoud, le travail de la loi est de faire rentrer dans l’humain ce qui d’abord nous a plongé dans l’effroi. Daoud demande à Claude si son enfant est en foyer. Oui, répond-elle. C’est bien, conclut Daoud. Parce qu’il croit en la loi, au progrès, au pardon. Peut-être le foyer sauvera-t-il cet enfant. C’est ce pari fou de la loi qu’embrasse Daoud. Le crime n’est pas montré. Mais les deux meurtrières vont rejouer la scène, autour d’une absence. À Daoud, elles offrent leur témoignage, et reviennent ainsi parmi l’humanité. À la suite de Daoud, je veux offrir un visage à ces deux femmes, me reconnaître en elles, sans les juger."
Roschdy Zem avait déjà joué aux côtés de Sara Forestier dans Une nuit en 2011, sombre polar parisien réalisé par Philippe Lefebvre (II).
Arnaud Desplechin a eu une seule référence cinématographique tout au long de la conception de Roubaix, une lumière : Le Faux Coupable d’Alfred Hitchcock. Le metteur en scène confie : "Un fait divers rendu à sa brutalité, sa nudité, son énigme. L‘énigme du vrai. L’on sait comment Hitchcock poussa l’obsession réaliste jusqu’à filmer dans les lieux même du fait divers, utilisant les témoins dans leurs propres rôles. Ici, je n’ose emprunter le chemin du maître. Mon chemin est le suivant : je pense le jour venu savoir diriger ces mots, filmer des acteurs qui se les approprient et nous les rendent. Oui, rendre hommage à la trivialité de ces mots ou à leur mystère. Soit, par le génie propre au cinéma, faire poudroyer la grandeur de la fiction dans un terrain dévasté, des vies fracassées. C’est un projet humble. Et son ambition me submerge. C’est cette ambition que je veux embrasser."