La très grande force du cinéma de Nicolas Vanier, c’est de démontrer non par thèses mais en actes. Il y a chez lui ce même refus des logorrhées verbales inertes qui anime le personnage de Christian, écrasé sous les procédures administratives dont la finalité n’intéresse à vrai dire personne, du moins pas les politiciens pour qui l’environnement ne représente un investissement ni rentable ni capitalisable. Il faut du mouvement, de l’action, de la vie pour essayer de faire changer les choses. Pourtant, le cinéaste refuse la dichotomie qui renverrait dos à dos la vie urbaine irrespectueuse et la vie rurale écologique : le père est aveuglé par sa passion au point de négliger sa famille ; le fils est pris entre ces deux milieux et tend à devenir, au fil de ses aventures, un citoyen du monde. En effet, le jeune Thomas réussit à concilier culture de l’écran et connaissance responsable de la nature dont il se rend non pas le maître mais le protecteur, à l’instar de cette séquence de tempête qui le contraint à affronter des éléments naturels plus forts que lui tout en se ménageant, par l’endurance qu’il manifeste contre vents et marées, une ouverture, une trouée lumineuse par laquelle s’échapper et ainsi s’élever au-dessus des nuages. Thomas passe de l’autre côté de l’écran, cesse de jouer aux voitures sur sa console pour devenir le héraut d’une petite cause porteuse de grands espoirs dont s’emparent les différents médias. Il se sert de notre société-écran pour changer son projet personnel en buzz à retombées collectives et universelles, puisqu’il rallie les états, communie avec les langues nordiques, redouble le trajet des oiseaux d’un réseau international réuni autour d’une même cause. Donne-Moi des ailes est un acte de foi en l’homme capable d’agir sur et pour le monde, un acte de foi en l’enfant conscient de l’impact que peuvent avoir ses actions – ou son inaction – sur le monde dont il hérite et qu’il léguera aux siens, une fable politique européenne ou plus largement interétatique qui décloisonne les espaces, dépasse les frontières pour raccorder l’humain à ce lien primordial qui le rattache à sa mère-nature. On pourra reprocher à Donne-Moi des ailes le convenu des relations familiales qu’il met en scène, ainsi que l’évolution psychologique du fils, trop brutale pour réellement convaincre. Mais qu’importe. C’est un film de responsabilisation qui réussit à tenir un discours accessible à tous les spectateurs grâce à des images magnifiques qui, comme toute expression du beau, sont prises entre une impression d’éternité et leur terrible fugacité, la menace qui pèse en permanence sur elles. Aussi le film propose-t-il en creux une défense de l’art, un art qui est le fruit direct d’une contemplation de la nature et d’une méditation sur ses pouvoirs, et qui a la simplicité et l’insouciance de l’enfance. Une œuvre modeste et importante.