L’histoire d’un homme qui vit sa vie en passager, détaché du monde, de ses amours, de sa famille.
Il s’est trompé de vie, et nous trompe aussi. On le croyait doux, affectueux, aimant. Ce n’était en fait que de la mollesse et de la lâcheté. On fond devant le romantisme de sa rencontre avec Djamila.
Mais quand elle ne veut pas coucher avec lui, il lui propose de partir sans grand ménagement.
Avec Geneviève de même, on comprend vite que la passion n’est que d’un côté.
Et on le découvre veule et menteur, lorsqu’il abandonne l’une parce qu’il n’a pas trouvé de bonne excuse pour s’échapper de l’autre.
D’ailleurs ça l’arrange, le destin a choisi pour lui.
Même la voix-off semble mentir : est-il vraiment amoureux de la 3e fille, comme elle nous l’assure ? On sent Luc qui danse et relâche son corps lorsqu’il la rencontre, mais c’est plutôt elle qui est filmée, qui rayonne, qui est dynamique.
On a l’impression qu’il accepte qu’elle couche avec Pablo non pas parce qu’il est follement amoureux et prêt à tout accepter, mais plutôt parce qu’il a la flemme de s’affirmer, de changer la situation.
Luc n’est donc certainement pas un gentleman auprès des femmes, et on ne le voit jamais amoureux. Et il ne semble pas passionné par d’autres choses non plus.
Lors de son examen à l’école Boulle, il est fort, mais ne brille pas et reste sans enthousiasme. Dans la deuxième partie du film, on ne le verra jamais à l’école ou en train de travailler un meuble : il vit comme une vie de bohème.
Est-il intéressé par le monde, subjugué par sa poésie ? Quand Geneviève lui demande où est Cassiopée, il répond : « je sais pas, je m’en fiche ».
La perspective d’avoir un enfant ? Là, il a de l’émotion, mais c’est de la peur. La responsabilité d’être père, il n’en voudra pas. L’avortement de Geneviève ne semble pas le remuer, puisqu’il avait décidé de toute façon de ne pas s’impliquer dans la vie de ce gamin, fruit d’aucun amour.
Reste sa relation avec son père, qu’il admire, nous dit la voix off.
On y croit aussi au début, mais comment expliquer qu’il le laisse à la porte lorsque le père se retrouve à la rue après avoir raté son train ? Scène déchirante du vieil homme qui s’en va penaud.
Si Luc est détaché de tout, des autres comme du monde, c’est peut-être parce qu’il a trop suivi son père. Il s’est jeté dans une voie tracée qui ne lui correspondait pas.
On ne doute pas du chagrin de Luc à la fin, car il aimait certainement son père. Mais il pleure aussi parce qu’il n’a désormais plus de guide et est jeté dans sa propre vie.
Le sel des larmes, c’est le sel de la vie qui lui a manqué et qu'il va devoir trouver.