Il y a énormément de choses à dire sur ‘Nope’, troisième effort de Jordan Peele, réalisateur inspiré qui semble tout de même avoir un peu de mal à retrouver le mojo de ‘Get out’, même si on ne pourra pas lui reprocher de manquer d’ambition ou de concepts innovants. La principale obsession que renferme ‘Nope’ serait d’être une analyse du pouvoir de l’image, une réflexion évidemment conçue à l’heure où les restrictions Covid semblaient menacer la pérennité du cinéma en tant que divertissement extérieur et collectif. De la fratrie qui rêve de capter des images d’une apparition extraterrestre pour sauver de la faillite leur petite affaire de dressage de chevaux pour l’industrie du cinéma, à l’ancienne star de sitcom qui a bâti une carrière florissante sur l’incident traumatisant ayant mis prématurément fin à sa carrière d'acteur en passant par le réalisateur obsessionnel qui ne s’accroche à la vie que dans l’espoir de tourner le plan ultime, le concept de l’image imprègne ‘Nope’ d’un bout à l’autre - symptôme même de trip cinéphilique nombriliste qui peut menacer un film dès le départ, mais c’est n’est heureusement pas le cas ici - au point de reléguer au second plan le message de Peele sur l’appropriation culturelle dont ont été victimes les Afro-américains par l’industrie culturelle et cinématographique. Ce point de vue reste clair et lisible mais ne phagocyte pas le reste du film au point de réduire celui-ci au statut de simple véhicule à militantisme, et c’est sans doute une bonne chose.. ‘Nope’ est surtout un film de science-fiction, couplé à un Monster-movie, mais qui obéit paradoxalement à des codes visuels, musicaux et thématiques propres au western. Le mélange prend plutôt bien, même si manière moins littérale que dans un film comme ‘Cowboys vs Aliens’. Pourtant, autant j’aurais aimé saluer quelque chose qui ose à ce point sortir des sentiers battus et abat ses cartes avec parcimonie, autant je dois bien avouer être sorti de la salle curieusement partagé entre la reconnaissance envers une production plus stimulante que la moyenne et une impression incertaine, celle d’une production aux ambitions trop larges pour sa carrure. Les ambitions sont là, la compétence technique est là, l’équilibre semble être de la partie sur le papier…et pourtant, coincé entre toutes ces aspirations contradictoires, ‘Nope’ semble parfois avoir du mal à exister autrement que comme un patchwork globalement inspiré mais on distingue aussi parfois les coutures. Des moments de pures tensions alternent avec des séquences qui n’ont pas assez de mordant pour tenir la longueur tandis que certains personnages et certains éléments semblent superflus à la première vision dès lors qu’on n’a pas encore eu le temps de décrypter ‘Nope’ pour en acquérir toutes les clés de compréhension. Du coup, il arrive qu’on s’ennuie, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle pour un blockbuster, même si ce curieux Spielberg-movie revu et corrigé par un fan de M.Night Shyamalan et d’animation japonaise, se montre généralement capable de rebondir, avant de s'essouffler à nouveau préalablement à un nouveau sursaut et ainsi de suite. Alors qu’il est objectivement bien conçu en théorie, bien pensé, bien écrit, bien filmé (un peu comme ‘Us’ finalement), quel dommage que la somme de toutes ces qualités ne donne pas obligatoirement naissance à un grand film !