La filmographie antérieure de Gilles Legrand ne le signale pas comme un grand expert de la comédie, et pourtant ‘Les bonnes intentions’ s’avère plutôt drôle...sans compter que dès que je lis une critique dans la presse généraliste belge dans laquelle le journaliste donne l’impression de se boucher le nez avec affectation, je me dis que le film vaut sans doute le détour. C’est qu’il y a deux tons bien distincts au sein du film : d’un côté, le portrait d’une femme surinvestie qui, à force de vouloir aider tout le monde, en oublie ses proches sans pour autant récolter la reconnaissance qu’elle attend inconsciemment. De l’autre, la comédie qui traite de la même chose, mais sous l’angle humoristique : pleine de bonne volonté mais incapable de se fixer des objectifs réalistes et atteignables, Isabelle, prof d’alphabétisation, doit jongler avec des élèves aux parcours complexes et un mari, pourtant ancien réfugié lui-même, qui n’en peut plus de voir son épouse s’obstiner à soulager toute la misère du monde. Dans le premier cas, ‘Les bonnes intentions’ atteint ses objectifs, mais au prix de ficelles narratives convenues et artificielles comme si, craignant de virer au moralisme lénifiant, le film faisait primer l’aspect comique sur le reste (ce en quoi il n’a pas tort, y compris si le but est de faire passer son message ) : heureusement que dans ce genre de rôle, on peut compter sur Agnès Jaoui pour sauver les scripts les plus maladroits. Quant à l’humour, il est d’autant plus efficace qu’il parvient à susciter un relatif malaise : les migrants et la misère font partie des sujets sensibles, et ceux qui oeuvrent dans ces domaines sont les nouveaux saints des temps modernes : pour autant, il n’est pas encore interdit d’en rire..mais au risque de se faire taxer de poujadisme beauf irrécupérable et de compromission morale avec ceux qui favorisent réellement la division et le mépris. Pourtant, si le personnage d’Isabelle est à la fois admirable et pathétique, il serait idiot de virer à la parano et d’y voir une charge contre une certaine forme d’universalisme et d’humanisme de gauche. Il s’agit d’une caricature, et ‘Les bonnes intentions’ rappelle simplement, à sa façon sarcastique - la présence de Giédré au casting est une heureuse coïncidence - quelques évidences : les migrants, avec leurs histoires personnelles, leurs qualités et leurs défauts, sont des personnes et pas des symboles. Vouloir aider autrui jusqu’à l’oubli de soi n’a pas grand chose à voir avec de la générosité innée, et on peut avoir été migrant et pauvre, et ne pas souhaiter aux autres ce dont on a soi-même bénéficié, l’égoïsme étant la chose la mieux partagée au monde. Au final, le film renoue avec cette croyance en un humanisme universel dont la France serait porteuse et une harmonie possible pour autant que chacun accepte l’autre comme il est : que ce message passe par un humour assez mordant, qui expose sans fard l’hypocrisie mondaine de la majorité sur le sujet, n’est pas pour me déplaire. De toute façon, sur le même créneau, c’est soit ça, soit ‘Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu’, alors le choix est vite fait...