La Mule est inspiré de la vie de Leo Sharp (Earl Stone dans le film), vétéran de la Seconde Guerre mondiale. Ce dernier est devenu dans les années 80 le transporteur de drogue le plus âgé et le plus prolifique du Cartel de Sinaloa. "La meilleure mule de l’histoire du cartel de Sinaloa était celui auquel on s’attendait le moins : un vieux monsieur de 90 ans qui voyageait pour son travail. Ils l’adoraient. Ils le recevaient comme un roi et le laissaient faire ce qu’il voulait. C’est à partir de là que j’ai commencé", explique le scénariste Nick Schenk.
La Mule n'est pas photographié par le chef-opérateur fétiche de Clint Eastwood, Tom Stern. C'est une première depuis Créance de sang en 2002, première collaboration entre les deux hommes. C'est le canadien Yves Bélanger qui prend la relève sur le dernier film du maestro.
La Mule marque la seconde collaboration entre Clint Eastwood et le scénariste Nick Schenk après Gran Torino en 2008. "Je me suis rendu compte qu’Earl est tout l'inverse du personnage de Walt Kowalski dans Gran Torino", déclarele scénariste. "Quand j’ai fait mes recherches pour le script, j’ai rencontré de nombreux vétérans, et la plupart d’entre eux semblaient revenir de deux manières : soit ils en voulaient au monde entier comme Walt, soit ils laissaient le passé derrière eux et devenaient charmants et sociables. C’était mon point de départ pour Earl et son caractère affable, son sens de l’humour, son panache. Mais bien entendu, tout cela était réservé à ses amis et ses collègues. Comme le fait remarquer son ex-femme dans le film, les autres avaient droit à la version sympa d’Earl, tandis qu’elle et sa famille avaient affaire à un homme qui ne pensait qu’à s’en aller". En tant que réalisateur et acteur, Clint Eastwood a trouvé que l’univers que Nick Schenck a imaginé autour d’Earl était remarquable : "Nick a un don pour créer des personnages qui apprennent toujours de nouvelles leçons, même s’ils sont déjà vieux. Earl est ouvert d’esprit et s’intéresse au monde qui l’entoure, même si cela lui attire des ennuis."
Ces dernières années, Clint Eastwood n’est passé qu'à de rares occasions devant la caméra, mais Earl l’a convaincu de retenter l'expérience. Son dernier rôle datait de 2012 dans Une nouvelle chance. "J’ai lu l’article du New York Times qui parle du vrai type dont est inspiré le personnage d’Earl, et je me suis dit que ce serait amusant de jouer quelqu’un de cet âge-là… C’est à dire de mon âge en fait. J’aime à penser que je suis toujours en train d’observer, d’apprendre, et Earl est comme ça, lui aussi. Plus on avance en âge, plus on se rend compte qu’on ne sait rien. Du coup, on continue à avancer." La productrice Kristina Rivera déclare : "Quand j’ai lu le scénario, j’ai bien vu que Nick avait écrit le rôle d’Earl en pensant à Clint, et je l’imaginais très bien sous les traits du personnage". Kristina Rivera a aussi été séduite par les thèmes abordés dans le film comme le regret, le pardon, la récompense – des sujets qui, selon elle, "font écho chez les gens à plusieurs niveaux. Ce que j’ai aimé dans cette histoire, c’est qu’elle parle des deuxièmes chances et du fait qu’il n’est jamais trop tard pour se rendre disponible pour sa famille, même si on a commis des erreurs par le passé."
Bien que Clint Eastwood ait le même âge qu’Earl, la ressemblance s’arrête là, et il a dû se documenter pour composer le personnage qu’il incarne. "J'ai déjà beaucoup vécu si bien que je peux le comprendre en partie", reconnaît-il. "Sa passion pour les hémérocalles (plantes vivaces) m’a étonné, mais j’ai fait le lien avec le travail de mon grand-père qui élevait des poulets. Dans une certaine mesure, j’ai calqué le personnage d’Earl sur lui et sur son physique, notamment sa démarche d’homme âgé." "Ce qui est génial chez Clint, c’est qu’à 88 ans, il a dû jouer le fait d’être vieux tellement il est en forme", s’amuse Bradley Cooper, qui joue un des protagonistes aux côtés de Clint Eastwood. "Clint saute de sa chaise comme un kangourou, mais ce n’est pas le cas d’Earl. C’était amusant de le regarder se comporter comme quelqu’un d’âgé, justement parce que lui est encore un vrai athlète."
C’est la perspective de travailler pour la deuxième fois avec Clint Eastwood qui a séduit Bradley Cooper : "J’avais eu l’honneur de tourner avec lui pour AMERICAN SNIPER, mais il ne jouait pas dans le film", rappelle-t-il. "Le fait d’avoir l’occasion de jouer avec lui dans ce film-ci m’a fait dire oui tout de suite". Bradley Cooper a adoré partager quelques scènes avec Clint Eastwood, mais aussi le regarder jouer quand il n'était pas à l'image. "À deux reprises quand j’étais sur le plateau à le regarder jouer, je n’ai pas pu m’arrêter de pleurer", se souvient-il. "Il y a même une fois où je tournais une scène avec lui, et mon personnage n’était pas du tout censé pleurer si bien que j’ai dû détourner le regarde. C’était très émouvant. C’est un acteur exceptionnel et il ne joue que rarement. Je pense qu’on avait tous conscience que travailler avec lui est un vrai privilège."
Alison Eastwood qui, récemment, s'est surtout consacrée à la production et à la réalisation, a été surprise que son père lui demande de jouer à ses côtés (elle interprète Iris, la fille de Earl) : "Je n’ai pas travaillé avec lui, moi en tant qu’actrice et lui en tant qu’acteur, depuis mes 11 ans environ, quand j’ai incarné sa fille dans La Corde Raide", se souvient-elle. "On a collaboré ensemble depuis, il m’a notamment dirigée mais c’est la première fois depuis que je suis adulte que je joue à ses côtés. Ça a été une expérience vraiment magique et c’était merveilleux de partager ça avec mon père".
Taissa Farmiga (American Horror Story, La Nonne) joue Ginny, petite-fille de Earl. Cette dernière se prépare à se marier au début du film. "J’adore Ginny. Elle a une immense affection pour sa famille et son grand-père. Personne d’autre ne le supporte vraiment, mais j’apprécie chez elle son grand cœur, sa candeur et le fait qu’elle veuille construire une relation, même imparfaite, avec lui. J’adore les histoires qui montrent les imperfections d’une famille", confie Taissa. L’actrice raconte qu’elle a aussi apprécié la thématique des souvenirs qui est explorée dans le film. "Les souvenirs sont fugaces, comme les lys d’Earl qui ne fleurissent qu’un jour : on n’a qu’une seule chance de se créer des souvenirs. Si on est absent, ou si on est là mais pas vraiment présent, on perd cette occasion. Cette histoire montre qu’il est important d’être présent et de se soucier de ceux qui sont à nos côtés, surtout s’il s'agit de ceux qu’on aime. Ginny comprend qu’Earl essaye de faire de son mieux – et elle est sensible à ses tentatives – même si on peut dire qu’il n'a pas encore atteint son objectif."
La Mule a été principalement tourné en Géorgie, dont plusieurs régions ont servi de cadre de vie à Earl. "Le film s’inspire d’une histoire vraie mais a été fictionnalisé", déclare le chef-décorateur Kevin Ishioka, "J’ai donc eu la liberté de faire ce que je voulais pour le film, de créer visuellement les éléments nécessaires pour accompagner l'intrigue, de définir la catégorie socioprofessionnelle de chacun des personnages et ainsi de suite. On voulait que l’environnement d’Earl reflète ses problèmes d’argent et son côté Robin des Bois, qui ressort lorsque l’argent commence à couler". Le régisseur d'extérieurs Patrick Mignano décrit leur recherche comme étant celle "des vaches, des champs de maïs et plus important surtout, de la ferme horticole. On n’est jamais précis dans l’histoire, mais celle d’Earl se situe dans le centre de l’Illinois. On a fini par dénicher la ferme idéale à Augusta."
La petite exploitation familiale de Earl représentait un défi pour le chef-décorateur Kevin Ishioka. "Je ne suis pas horticulteur, mais vu leur nom, je comprends que chaque bulbe qui fleurit a un cycle de vie d’une journée", dit-il. "Pour pouvoir utiliser un endroit réel pour le film, on devait le trouver et pouvoir y filmer au meilleur moment de l’année et espérer que le climat s’accorde à notre planning". Au départ, rien ne semblait se dérouler comme prévu. "La semaine avant notre arrivée, il a plu presque tous les jours, mais quand Clint est arrivé, je ne plaisante pas, grand soleil. Puis, la nuit avant le tournage, les fleurs n’avaient pas fleuri alors vous imaginez mon stress. Et puis, le lendemain matin, elles se sont ouvertes. C’est l’effet Clint Eastwood", ajoute Ishioka en plaisantant.
D’autres séquences ont été tournées ailleurs qu’à Atlanta, par exemple pour camper les bureaux de la DEA des villes du Midwest, où travaillent les personnages de Laurence Fishburne, Bradley Cooper et Michael Peña, ainsi que les sites utilisés pour la maison de Mary, le local des vétérans, la salle de la réception du mariage de Ginny ou encore un motel situé en bord de route. Pour les séquences dans le magasin de pneus qui sert de repaire au cartel, l’équipe s’est rendue au Nouveau-Mexique, et pour l’impressionnante propriété de Laton, une maison a été repérée à Las Cruces, et décorée pour correspondre à l’opulence et à l’extravagance du patron du cartel.
Dans l’histoire, les livraisons d’Earl le conduisent dans plusieurs États et le film le suit dans ces pérégrinations au volant de son pick-up. Pour tourner les plans extérieurs, Clint Eastwood et une équipe réduite ont conduit les deux pick-up d’Earl, l’ancien et le nouveau, au cours d’un road-trip de trois jours à l’approche de la fin de tournage. Le producteur Tim Moore se souvient : "On a fini par traverser le Nouveau-Mexique, le Colorado et on est remonté vers Chicago, en Illinois, pour montrer les paysages de la campagne, les champs de maïs, les vaches dans les pâturages, le désert et les routes à perte de vue. Pendant trois jours, Clint s’est mis au volant, sous les traits d’Earl, conduisant et chantant ses chansons". "Les endroits où nous sommes allés avaient tous des qualités et apportaient tous quelque chose de différent au personnage. J’ai déjà conduit à travers le pays, mais le faire pour les besoins d'un film était amusant", commente Eastwood.
Pour Earl Stone, conduire est facile – c’est sa vie qui est plus compliquée à diriger, car il est hanté par les erreurs du passé et celles qu’il commet encore à l'heure actuelle, en toute conscience et dans l’espoir qu'elles lui seront pardonnées à l'avenir. Tout se résume à deux choses qui semblent vraiment difficiles dans la vie : la famille et le pardon. "Chaque fois qu’on réalise un film ou qu’on joue un rôle, on apprend quelque chose : on raconte des histoires, on les joue, on vit des aventures, on résout des problèmes. Ça permet d’apprendre à se connaître, de savoir plus ou moins ce qu’on ferait dans la vraie vie. C’est ce qui rend ce boulot si passionnant", confie Eastwood. "Earl sait qu’il n’a pas agi comme il aurait dû avec ses proches, mais là, il se rend compte qu’ils ne lui pardonneront peut-être jamais. C’est un coup fatal pour lui", poursuit-il. "On pense toujours qu’on a le temps. Peut-être qu’on l’a, peut-être pas. Peut-être que c’est ce que pense Earl."