Au début, on croit avoir affaire à une romance presque banale, pas foncièrement différente de toutes celles qui ont déjà été mises en scène et projetées sur les écrans. On est néanmoins captivé, car cela se déroule à Taïwan et l’on est en présence d’une actrice et d’un acteur qui ne laissent pas indifférent. Déborah François joue le rôle de Maria, une jeune femme experte en néerlandais et au caractère déterminé. Paul Hamy joue Olivier, un garçon âgé, comme Maria, d’une trentaine d’années, très doué en langues (il en parle quatorze) mais de caractère plus réservé ou moins entreprenant que la jeune femme. Les différences de tempérament n’empêchent pas l’amour de naître, de grandir et de s’épanouir.
Mais, au bout d’un an de vie commune, pris de fatigues anormales, Olivier consulte un médecin et la nouvelle tombe comme un couperet : il est d’atteint d’une forme grave de leucémie. Ses chances de guérison sont minimes. Il lui faut rentrer dare-dare en France et se faire hospitaliser à Strasbourg. Accueillie et hébergée par les parents d’Olivier, Maria est fermement décidée à l’accompagner dans son combat. Les médecins, plutôt pessimistes, sont néanmoins déterminés, dans un premier temps, à tout entreprendre pour la guérison du malade. Mais, à Maria, un des médecins affirme que c’est elle, que c’est sa présence, que c’est son amour, plus que tous les traitements médicaux, qui sont une aide pour Olivier.
Or c’est là, précisément, le vrai sujet de ce film, c’est sa beauté, et c’est grâce à cela qu’il fait vibrer nos émotions. Jusqu’où peut aller l’amour ? Quelle est sa force ? Quelle est sa puissance ? Comme dans les meilleurs films de ce très grand réalisateur que fut Frank Borzage (1894-1962), l’amour semble pouvoir renverser tous les obstacles, il peut aller jusqu’à faire des miracles. Même les prévisions les plus défaitistes des médecins peuvent donc se trouver déjouées.
Oui, c’est vrai, mais jusqu’à un certain point ou dans une certaine mesure seulement. Ou, plus exactement, il y a ce dont est capable l’amour mais il y a des limites humaines contre lesquelles on continue à se heurter. L’amour de Maria est grand, sans nul doute, mais, pour qu’il puisse faire véritablement son oeuvre, c’est-à-dire une œuvre de salut, il lui faut peut-être, en quelque sorte, se sacrifier. Jusqu’où aller dans le don de soi ? Quand on est « l’autre continent » d’un homme qui, précisément, n’est plus continent, souffre d’incontinence, quand il le faut soutenir tout en se sentant impuissant devant ses défaillances, n’est-il pas nécessaire de prendre de la distance ? Dans certains cas, au nom même de l’amour, il faut se résoudre à une perte. Ce superbe film, qui prenait, au début, des allures de romance quasi ordinaire, nous a conduits, en fin de compte, vers des sommets de singularité. Et, sans être jamais larmoyant, il a fait palpiter toute la gamme de nos émotions.