Le point de départ de Memory House se situe dans un rêve que João Paulo Miranda Maria a fait il y a quelques années. Dans ce dernier, il se retrouve, en compagnie d'autres personnes, dans une maison pleine de souvenirs et remplie d’objets de son passé... Le réalisateur se rappelle :
"Quand j’ai regardé dans le miroir, j’ai vu la présence d’un vieil homme, empli d’expériences et de souvenirs, un reflet de la maison elle-même. L’histoire est celle de cet homme rustique, comme une pierre brute, qui cache quelque chose de fort et de viscéral. J’avais besoin de faire un film qui plongerait dans cette fissure, d’apprendre qui était cet homme, ce qui était en lui, dans son esprit."
João Paulo Miranda Maria pensait dès le début de l'écriture du scénario à Antonio Pitanga, figure iconique du « Cinema Novo ». Certains étaient inquiets de son âge (81 ans), mais le cinéaste a toujours pensé qu’il pouvait apporter une présence épique au rôle. Il précise :
"Pour moi, la présence du temps qui passe, et celles de l’histoire et de la mémoire, sont tout aussi importantes dans ce personnage. En plus de son âge, Pitanga a joué dans le seul film brésilien qui a reçu la Palme d’Or à Cannes : La parole donnée d’Anselmo Duarte en 1962."
"Il était aussi dans le premier long-métrage de Glauber Rocha, et d’autres films du mouvement révolutionnaire « Cinema Novo » qui a donné naissance au cinéma brésilien moderne."
Le scénario de Memory House a été écrit en 2015 et est devenu de plus en plus actuel dans son propos. Le Brésil traverse en effet une période de grand conservatisme et d’actions fascistes de la part de son gouvernement actuel. João Paulo Miranda Maria explique :
"Les partisans de ce mouvement réactionnaire agissent avec violence et dans l’ignorance. Le film est une métaphore de cette situation où le racisme, le machisme et l’intolérance sont très présents."
"On constate cela aussi dans d’autres pays, pas seulement au Brésil. Et la crise sanitaire actuelle nécessite un renouveau. C’est dans des moments de crise que naissent les révolutions, et je crois de plus en plus que l’heure est venue."
Memory House se déroule dans les années 1970, qui ont été une période de la dictature brésilienne durant laquelle les artistes et les citoyens ont souffert de la censure et de la torture. João Paulo Miranda Maria note :
"Le film dépeint un Brésil perdu dans le temps, où l’on voit un futur arriéré, exagéré et contradictoire. Un pays qui va vers le passé, en pensant que c’est le futur. Le personnage lui-même a ses conflits intérieurs, et marche vers un passé lointain à la recherche d’une renaissance."
"Malheureusement, le Brésil se dirige vers un abysse et a besoin de se réveiller et changer de direction. Les artistes sont un signe du temps, ils révèlent l’avènement de demain."
Le film a fait partie de la Sélection Officielle Cannes 2020. Un festival que João Paulo Miranda Maria connaît bien puisqu'il y a obtenu la Mention spéciale du court métrage en 2016 pour La Jeune fille qui dansait avec le diable.
Le village autrichien où Memory House se déroule, à la fois étrange et effrayant, existe dans la réalité. La plupart des acteurs du film sont d'ailleurs des habitants de la région qui vivent encore réellement dans une culture autrichienne traditionnelle. João Paulo Miranda Maria précise :
"J’avais écrit l’intrigue comme si elle s’était passée dans un Brésil qu’on ne reconnaît pas, avec un climat froid, avec une autre langue et d’autres traditions. C’est un endroit initialement peuplé de descendants et d’immigrants qui ont fui la Seconde Guerre Mondiale."
"La « maison de la mémoire » est réelle également. Elle a été construite lors de la fondation de la colonie, par un ancien officier de police. Ce sont de vrais résidus du passé et ils apportent leur authenticité au film."
Les figures du taureau et de la vache traversent le film, depuis l’exploitation animale dans l’usine de lait jusqu’à l’énorme masque folklorique de taureau que Cristovam porte à la fin. João Paulo Miranda Maria développe :
"Les employés et les bêtes sont traités comme des machines. Dès le départ, le personnage évolue dans une usine extrêmement blanche et hygiénique, où il est terré dans un trou dans sa tenue futuriste. Il essaie de savoir qui il est sous cet uniforme, jusqu’à ce qu’il trouve une autre peau et commence à ressentir plus d’empathie pour les animaux que pour ces hommes."
Pour son premier long métrage, João Paulo Miranda Maria a fait appel au directeur de la photographie Benjamin Echazarreta (Une femme fantastique, Oscar du meilleur film étranger). Le metteur en scène se rappelle :
"Habituellement, je fais peu de prises de vue et peu d’options pour chaque scène, donc chaque plan est presque une photographie, minimaliste, mais riche en détails, créant une image qui suggère plus que ce qui est visible."
"L’une de mes principales priorités pour le film a été de trouver un moyen de capturer la lumière dans les yeux des personnages (leur esprit) et Benjamin a apporté une réelle solution en termes de lumière (sans VFX) pour enregistrer vraiment ce qu’il y a dans l’iris."