Le scénario de La Lutte des classes est né d'une situation que Michel Leclerc et la scénariste Baya Kasmi ont réellement connue. Le metteur en scène précise : "Comme Sofia et Paul, on a vécu à Bagnolet, pendant dix ans, dans une petite maison avec jardin, et puis notre fils a commencé à avoir des problèmes à l’école, ça nous a plongé dans une grande angoisse, un dilemme intime. C’était en 2015, au moment de Charlie, dans cette même école Jean Jaurès où j’ai tourné La Lutte des classes…"
Creuser les contradictions de la gauche est une constante dans le travail de Michel Leclerc, comme on a pu le voir avec Le Nom des gens et Télé Gaucho. Il développe : "Croire dans les valeurs de la gauche nous met parfois dans des situations impossibles. Ma génération, qui a grandi dans les années 80, a passé toute sa vie dans la déception de la gauche, ce qui n’est pas une raison pour devenir de droite ! Mais est-ce que le fait même d’être de gauche, ce n’est pas être dans la contradiction ? Défendre ses idées tout en acceptant celles des autres ? Les histoires que j’ai envie de raconter partent de là. Sans jamais être cynique, parce que vraiment, s’il y a une fibre que je n’ai pas et qu’on voit beaucoup dans la comédie française, c’est le cynisme. On peut rire de tous nos personnages mais jamais en se mettant à distance d’eux, jamais en se disant : « C’est eux, c’est pas nous »."
En choisissant Edouard Baer pour jouer Paul, "un vieux punk" sympathique, Michel Leclerc avait comme désir de proposer à cet acteur autre chose qu’un emploi de séducteur sophistiqué : un personnage ayant davantage « les pieds dans la terre » et plus proche d’un milieu populaire. Le réalisateur confie : "Sa finesse, sa malice et l’extrême sympathie qu’il dégage permettaient au personnage de friser l’antipathie. C’est une grande règle du casting, plus un comédien est sympathique, plus le personnage peut avoir de défauts. Je me souviens très bien du moment où il a mis son Perfecto aux essayages, tout à coup sa démarche est devenue plus lourde, il a arqué les jambes ! Je suis très content du résultat, je pense qu’au bout de deux minutes, on oublie Edouard Baer."
Le petit Tom Levy trouve, dans La Lutte des classes, son premier rôle au cinéma. Pour dénicher la perle rare, Michel Leclerc a fait un grand casting. Le cinéaste explique à son sujet : "Il est fils de profs, ses parents connaissent par coeur la problématique du film et lui comprenait tout de mon projet. On ne sait jamais vraiment ce que Corentin vit dans cette école, est-il vraiment emmerdé par ses camarades ? Est ce grave ou pas, est-il bien dans cette école ou pas ? Le film ne tranche jamais sur cette question. Tout passe par ce qu’il raconte à ses parents, qui sont toujours en décalage par rapport à ce qu’il dit. Mais pour moi, c’était vraiment une question éthique. Hors de question de stigmatiser des enfants !"
La Lutte des classes marque la première collaboration entre Michel Leclerc et le directeur de la photographie Alexis Kavyrchine, qui a récemment oeuvré sur La Douleur d’Emmanuel Finkiel. Ensemble, les deux hommes ont cherché à faire un film se déroulant en banlieue mais qui ne soit pas glauque. Il raconte : "Je voulais qu’il y ait de la gaieté dans la manière de filmer les lieux, de la couleur, sans dealer à tous les coins de rue. Malgré les problèmes qu’il ne faut pas nier, Bagnolet est un coin où il fait bon vivre, où la municipalité organise des fêtes dans un vrai souci de mixité. Il n’y a pas une once de violence dans la banlieue que je montre, c’est hyper important. Mon désir, c’était d’avoir une vision du dedans, pas du dessus."
Parmi les musiques originales se trouve une chanson censée être l’oeuvre de Paul et intitulée "J’encule le Pape". Michel Leclerc, qui en est l'auteur, confie : "On s’est amusés avec Alice Botté, un rocker qui a notamment joué avec Bashung et qu’on aperçoit dans le clip. Il fallait montrer de quelle culture Paul est issu et inventer une chanson susceptible de lui causer des problèmes face notamment au directeur d’une école catholique. Ça a été toute une histoire de mettre Edouard Baer à la batterie, il a fallu ruser au montage pour le rendre crédible ! Pour les autres musiques originales, j’ai demandé à Guillaume Atlan. Je souhaitais quelque chose qui mette tout le monde d’accord, qui soit du côté de la vie, de la danse, et je suis arrivé au disco, sa spécialité. Il y a aussi la chorale gnangnan des enfants, la musique des femmes berbères et le titre final, « Bagnolet ». Et une chanson de Jeanne Cherhal, que j’adore, qui parle de la gauche, des congés payés… Elle sert de ciment amoureux à Paul et Sofia."