À la sortie de My Little Princess, Eva Ionesco parlait d'une trilogie en devenir. Une jeunesse dorée peut ainsi être vu comme étant son deuxième volet. Il s'agit d'histoires qui se suivent, mais la réalisatrice précise toutefois qu'elles existent aussi indépendamment les unes des autres : "C’est une autofiction : je pars de la bande du Palace, à laquelle j’appartenais. Je voulais me souvenir de ces années-là, qui m’ont énormément marquée, et qui n’ont pas été tellement racontées. J’avais en tête l’histoire d’une fille qui cherche à s’émanciper de son premier amour de façon violente, parce qu’elle l’a vu commettre une faute à laquelle elle l’a poussé. Elle l’entraîne elle-même à se vendre à une femme riche et plus âgée, qui tombera amoureuse de son talent de peintre. Des gens jeunes qui rencontrent des gens plus âgés, comme un apprentissage, une fable qui, in extremis, devient morale. Il y a une part de pure fiction : Lucille et Hubert, que jouent Isabelle Huppert et Melvil Poupaud, sont des personnages inventés."
Pour ce second métrage, après My Little Princess qui avait été remarqué en 2011 à la Semaine de la critique à Cannes, Eva Ionesco s'est entourée de partenaires familiers : elle retrouve Isabelle Huppert après son premier long métrage et dirige également son fils, Lukas Ionesco, vu dans le sulfureux The Smell of Us de Larry Clark.
L’héroïne de My Little Princess s’appelle Violetta et celle d’Une jeunesse dorée Rose, deux noms de fleurs. Ces personnages ressemblent à Eva Ionesco, sans être directement elle. "Le film commence à la sortie du foyer où l’on voyait partir l’héroïne de My Little Princess. La petite a grandi. On ne parle plus de sa mère. Elle n’est pas là, dans l’incapacité de s’occuper de sa fille. Rose retrouve son fiancé, majeur, donc capable de veiller sur elle, qui est encore mineure. C’est ce qui m’est arrivé, à la sortie de la DDASS : j’avais 16 ans et demi, « mon » Michel, c’était l’artiste Charles Serruya, qui, en réalité, avait dix ans de plus que le personnage", confie Ionesco.
Eva Ionesco n'a pas pu tourner son film au Palace. Mais même si cela avait été possible, la cinéaste n'aurait pas voulu y poser sa caméra puisque l'endroit a été redécoré en rose jambon. Elle raconte : "Pour nous, il était noir, rouge et or. Il aurait fallu tout refaire. On a tourné un plan de l’entrée. Les scènes de fête ont été faites en quatre jours – c’est un film « à l’arrache » même s’il n’est pas tourné caméra à l’épaule : deux jours aux Folies Bergère, deux jours au Casino de Paris. Je voulais travailler avec la chef-opératrice Agnès Godard. Les Folies Bergère ressemblent un peu à ce qu’était le Palace, avec un très bel escalier et une atmosphère poétique. J’avais dessiné et story-boardé ces séquences. On nous avait prêté beaucoup de vêtements, mais Molly Ledoux, la directrice de casting, a trouvé plein de figurants prêts à s’habiller pour le film. Des gens de la nuit, il y en a encore..."
Galatea Bellugi joue Rose, le double de Eva Ionesco. Cette dernière avait trouvé la jeune comédienne excellente dans Keeper de Guillaume Senez, ainsi que dans L’Apparition de Xavier Giannoli, où elle travaillait déjà sur un personnage issu de la DDASS. La réalisatrice confie : "Elle a 21 ans, un visage assez enfantin, une force assez « rock », une grande capacité à se transformer physiquement. J’ai été son coach pour sa voix, je voulais lui donner un accent plus faubourien, moins d’aujourd’hui. Je lui ai montré des films avec Brigitte Bardot, mais aussi avec Isabelle Corey, qui joue dans Bob, le Flambeur . On a aussi beaucoup improvisé, à partir de thèmes, comme un schéma de Commedia dell’arte . Ça l’a aidée à trouver sa voix. Il y a eu aussi des improvisations pendant le tournage. Avec toute la troupe, nous avons regardé tous ensemble des centaines d’images de la nuit et de l’époque et lu des articles qui nous ont inspirés. Nous avons aussi dansé et bu !"
Avec Une jeunesse dorée, Eva Ionesco s'est aussi entourrée de son fils, Lukas Ionesco, qui était dans My Little Princess et aussi dans un court-métrage, Rosa Mystica, que la cinéaste avait fait pour Canal +. Elle explique à son sujet : "Il est très différent du personnage de Michel, introverti un peu autiste, qui n’arrive pas à prendre de décisions sans les femmes et préfère continuer à vivre une vie de bohème en compagnie d’une muse. Alain Fabien Delon, je savais qu’il avait joué chez Yann Gonzales. Il a une tenue, quelque chose de l’époque où se situe le film, quelque chose de rock. Il ne joue pas « sympa », à la différence de beaucoup d’acteurs d’aujourd’hui."
La bande son de Une jeunesse dorée comprend des titres de l’époque mais pas seulement. Eva Ionesco précise au sujet de la musique de son film : "Ce sont les musiques que nous écoutions à l’époque. Dans les appartements et les voitures, c’était plutôt du rock et de la n ew wave : Little Richard, Wanda Jackson, Vince Taylor, Buddy Holly, Johnny Thunders, Martha Reeves and The Vandellas, Brian Eno, Mathématiques Modernes, qui était le groupe d’Edwige Belmore, Roxy Music, etc. La musique disco et funk, c’était surtout pour danser au Palace, c’était ce que passait le DJ : Hamilton Bohannon, All Hudson, Lipps Inc, Kurtis Blow, Kiss, Amanda Lear, Peaches and Herb, The Buggles, Human League, etc... Mais aussi Yma Sumac, « so fifties » ! Lukas Ionesco, qui est aussi chanteur-compositeur, a fait la chanson des amoureux, « Sensation », un thème récurrent que l’on découvre au début dans la DS, et qui va jusqu’au générique de fin."