Tourné entre Istanbul et Berlin, Un visa pour la liberté raconte l’histoire de deux réfugiés gay qui tentent de reconstruire leurs vies après avoir fui la guerre en Syrie. Husein est un coiffeur de 24 ans qui s’est réfugié à Istanbul avec ses parents et sa femme enceinte à qui il a été marié de force. Mahmoud est le créateur du mouvement LGBT syrien et est réfugié en Allemagne. Il travaille à temps partiel pour une ONG qui apporte de l’aide aux réfugiés gay pour leurs demandes d’asile.
Ils ont en commun un rêve un peu fou : participer au concours de beauté Mr Gay World qui a lieu cette année-là à Malte. S’ils y parviennent, ce sera la première fois qu’un arabe du Moyen-Orient y participera. Pour Husein, c’est l’espoir de se réfugier en Europe où il a l’espoir d’être accepté. Pour Mahmoud, c’est l’ambition de rendre visible le combat qu’il mène pour les droits des homosexuels du Moyen-Orient et lancer sa campagne en faveur des réfugiés gay.
L’organisation du concours Mr Gay Syria et le parcours de nos personnages et de leurs amis est le fil rouge qui nous fait traverser avec eux les difficultés d’être gay dans les sociétés homophobes où le coming out est particulièrement difficile. Les moments de bonheur amoureux alternent avec le drame de la crise des réfugiés.
Ayşe Toprak a rencontré Mahmoud pour la première fois lorsqu'elle cherchait un médiateur pour un documentaire sur les enfants syriens réfugiés. Au début, la cinéaste a pensé qu’il était timide. Mais, au cours de la conversation, elle a découvert sa vive personnalité. Au bout du compte, Mahmoud est devenu le meilleur allié de Ayşe Toprak pour ce projet. Elle se rappelle :
"En 2014, j’ai reçu un e-mail de Mahmoud qui disait : « Je suis à Berlin, j’ai déposé une demande d’asile. J’espère que ce sera bientôt réglé et que je pourrai retourner à Istanbul. » Quelques mois plus tard, j’ai reçu un autre e-mail : « J’ai perdu ma citoyenneté, je ne pourrai pas retourner en Syrie, je suis bloqué ici pour toujours. J’ai l’impression d’être perdu et de flotter entre deux mondes. »"
"Le message de Mahmoud m’a hanté pendant longtemps. Mon ami a le même destin que des millions de réfugiés syriens, déracinés par un conflit auquel ils ne peuvent rien et portés par le rêve de trouver un nouveau foyer dans des pays qu’ils ne connaissent pas, de trouver une nouvelle appartenance et espérant obtenir le droit de vivre comme ils l’entendent."
"À travers Mahmoud, j’ai fait la connaissance de Hussein, mon protagoniste principal et de son ami Omar. Je suis admirative devant leur détermination à affronter l’adversité et retrouver une vie meilleure. Ils ont participé au concours avec conviction, mais non sans un certain humour et ils m’ont beaucoup appris sur la faculté de survivre, quelles que soient les conditions rencontrées."
Un visa pour la liberté est en résonance avec le combat de Ayşe Toprak pour un monde meilleur. La réalisatrice est en effet convaincue que la construction d’une meilleure société ne consiste pas uniquement à se battre pour ses propres droits, mais aussi ceux des autres.
"Je suis tout à fait consciente que ce film parle d’un problème spécifique dans le cadre d’un conflit bien plus large. Cependant, je crois que les droits de l’homme ne peuvent pas être compartimentés. Pour moi, c’est ce qui rend cette histoire si intéressante et si puissante", précise-t-elle.
Ayse Toprak est une cinéaste basée à Istanbul. Elle a obtenu un diplôme des Beaux Arts (BFA) à la Tisch School of the Arts de l’université de New York en Film et TV ainsi qu’un Master du département d’Etudes des médias à la New School. Elle a travaillé comme productrice pour Channel Thirtees/PBS à New York, Al Jazeera à Londres et Doha.
Ce qui intéresse Ayse c’est à quel point des documentaires, leurs sujets et leurs personnages hauts en couleur peuvent avoir d’importantes répercussions sur la société. Avec cela, les films qui parviennent à ouvrir un dialogue sur des problèmes négligés, à détruire les préjudices ou à s’attaquer à des sujets jusque-là tabous sont devenus son médium préféré, ainsi que son ambition aussi bien personnelle que professionnelle.