Aïe, dans le genre film récent sur la toxicomanie et ses ravages familiaux, découvrir "Ben is Back" après le magnifique "My Beautiful Boy" ne se fait clairement pas à l'avantage du premier...
Pourtant, dans ses prémices, cette version en quelque sorte alternative au long-métrage de Félix Van Groeningen où l'adolescent en plein sevrage rentrerait cette fois chez les siens avec une réelle volonté de rédemption est plutôt prometteuse. Avec le retour inattendu de ce fils chez sa mère et sa famille recomposée, Peter Hedges distille habilement en quelques scènes toute la souffrance que le jeune homme, Ben, a déjà infligé à sa famille. Ces petits demi-frères et soeurs à l'innocence préservée de son addiction, une soeur explicitement méfiante, un beau-père intransigeant sur son état et, bien évidemment, une mère qui, tout aussi heureuse soit-elle de retrouver son fils en apparente bonne santé, multiplie les sourires de façade et s'empresse de dissimuler les médicaments et les bijoux dans leur maison. Devant ces retrouvailles aussi fragiles que compliquées, nul besoin de grossir le trait, le calvaire qu'a fait vivre Ben à sa famille durant des années à cause de sa dépendance transpire à l'écran. La précarité de la situation est sans cesse criante par la surveillance omniprésente la mère sur son fils lui-même conscient de son instabilité. Lorsque les deux personnages se retrouvent plus tard en tête-à-tête, Leur dynamique fait d'ailleurs des merveilles, Lucas Hedges connaît ce rôle sur le bout des doigts à force de le répéter de film en film à quelques variations près (il est d'ailleurs amusant de noter qu'il est dirigé ici par son propre père) et Julia Roberts n'a bien entendu aucun mal à traduire la condition de cette mère sur la brèche, incapable de juguler ses sentiments contradictoires et restant perpétuellement sur le qui-vive pour guetter/éviter une éventuelle rechute qui la dévasterait sans doute une bonne fois pour toute. Sans jamais en faire trop, la première partie de "Ben is Back" cumule la plupart de ses scènes les plus fortes : la colère magnifiquement maîtrisée de la mère face à celui qu'elle juge responsable des maux de son fils (au contraire de "My Beautiful Boy", la raison de sa dépendance a bel et bien ici une incarnation humaine, symbole d'un système qui drogue volontairement ses enfants dès leur plus jeune âge), un essayage dans un magasin tournant au psychodrame de la paranoïa maternelle, une séquence de réunion de toxicomanes où Ben brille par sa franchise teintée d'humour... Jusqu'à cette scène de messe de minuit où l'adolescent brise la carapace en laissant évacuer sa douleur à travers ses larmes, il n'y a pas grand chose à reprocher à "Ben is Back", le film touche juste et la crédibilité de cette bulle familiale gangrenée par la toxicomanie d'un de ses membres n'est jamais remise en cause...
Malheureusement et inexplicablement, la deuxième (et majeure) partie de "Ben is Back" va sombrer, d'une ampleur vraiment inattendue, dans la caricature la plus totale en exagèrant le trait à tous les niveaux possibles. À partir du moment où Ben et sa mère sont contraints de s'embarquer dans un road-trip en forme de confrontation au passé du premier, toute la subtilité du film mise en place jusqu'alors va s'effondrer tel un château de cartes se prenant un méchant ouragan sur le coin de la tête. En cumulant les épreuves que peut un traverser un toxicomane pendant plusieurs mois (voire des années) en l'espace d'une seule nuit, Peter Hedges fait tout simplement voler en éclats la crédibilité de son histoire devenue une sorte de compilation d'événements qui, pris un à un, pourraient marcher (et c'est parfois le cas grâce à la force du duo Lucas Hedges/Julia Roberts, reconnaissons-le) mais qui, une fois agglutinés ensemble, n'ont plus aucune once de réalisme. D'une histoire de vol littéralement incroyable, en passant par l'arrivée d'un dealer de pacotille dans l'équation, jusqu'à un final tellement attendu qu'il stoppe net toute velléité de susciter l'émotion, on regarde "Ben is Back" s'enfoncer constamment dans sa chute d'un oeil circonspect en priant pour que quelqu'un arrête les dégâts au plus vite. Quelque part, on a été entendu, le générique de fin tombe comme un soulagement/couperet en plein milieu du climax émotionnel qui n'avait plus rien sur quoi s'appuyer pour fonctionner sinon ses acteurs...
Il est assurément bizarre que "Ben is Back" ait autant dévié de son intelligence de départ pour se résumer à un enchaînement surréaliste de situations paradoxalement très convenues. Ben est de retour, certes, mais, à partir du moment où le film qui le met en scène se perd, il n'a plus aucune chance d'atteindre la qualité d'un "My Beautiful Boy" à sa maman d'un certain cousin cinématographique bien plus réussi...