Retour à Bollène est le premier long‑métrage de Saïd Hamich, qui est surtout connu pour son parcours de producteur et producteur exécutif (Much Loved, Ni le ciel ni la terre, Hope, Vent du Nord, etc.). Le metteur en scène explique : "Retour à Bollène ne s’inscrit pas dans la continuité de cette casquette-là. La production est une fin en soi car j’aime ce métier. Ce qu’on y apprend, c’est d’avoir une vision du cinéma dans son ensemble, une capacité à maîtriser ses différentes étapes. Je trouve passionnant de pouvoir être présent des origines d’un projet jusqu’à sa distribution en salles. Je dispose d’une petite structure de production (Barney Production) et cette configuration nous pousse, mon équipe et moi, à occuper plusieurs postes, notamment artistiques. En France, une large majorité de producteurs a un rôle d’artiste et d’artisan. J’ai mis en scène Retour à Bollène en dehors de toutes considérations de production. Je n’ai même pas pris le temps de le financer. Je l’ai fait très rapidement, en trois semaines, sans moyens, avec un risque économique. A la base, ce n’est pas comme ça qu’on produit un film !"
Retour à Bollène est un film qui s'est imposé à Saïd Hamich, lequel y a pensé pour la première fois lorsque sa mère lui a annoncé qu'elle quittait Bollène... Le réalisateur voulait ainsi garder quelque chose de cette ville et de cette cité. Il confie : "L’idée d’un retour honteux chez soi a en tout cas surgi en moi à ce moment-là. Il y avait aussi dans mon esprit l’envie de dépeindre la communauté maghrébine sous un angle inédit. Je souhaitais que le cœur du film soit social et loin des représentations médiatiques habituelles qui excluent la dimension sociale de la communauté maghrébine pour l’aborder uniquement sous le prisme culturel et/ou religieux."
La mère de Saïd Hamich s'est installée en France, à Bollène, au début des années 2000 et le cinéaste y a vécu trois ans avec elle, de 2001 à 2004, à l’époque du lycée. Il y a alors vu le rejet social et culturel que ses habitants peuvent éprouver et a ressenti une intense répulsion en arrivant dans cette ville, contrairement aux autres villages où il a vécu avant.
"Bollène, c’est une mairie d’extrême droite (La Ligue du Sud). Et ça se voit ! Marion Maréchal Le Pen et Gilbert Collard n’étaient pas loin. Ces politiques dessinent in fine une ville vide, sans activités extérieures. Il y a des pavillons où vivent les Français et des cités où résident les Marocains. Entre eux, vous trouvez quelques routes entretenues et des zones commerciales. Basta. Rien n’est mis en place pour qu’existe et prospère une réelle cohésion sociale. C’est un ‘‘ no man’s land ’’ sur lequel capitalisent certains politiques, qui refusent d’investir dans les programmes sociaux ou culturels. Ils ont par exemple arrêté les cours de français comme mentionné dans le film. C’est une politique d’extrême droite, en somme. Je n’ai jamais réussi à circuler dans cet espace", raconte Hamich.
Saïd Hamich est né en 1986 à Fès (Maroc). Il est diplômé du département production de La fémis et lauréat de la bourse Producteur Cinéma de la fondation Lagardère. Il a été producteur exécutif sur plusieurs films dont HOPE de Boris Lojkine et Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore. Il a produit une quinzaine de courts-métrages et plusieurs longs-métrages (Much Loved de Nabil Ayouch - en coproduction -, Vent du nord de Walid Mattar, Volubilis de Faouzi Bensaïdi...). Avec Retour à Bollène, il réalise son premier film.
Si Retour à Bollène n’est pas autobiographique, il est en revanche très personnel. Saïd Hamich partage en effet avec Nassim le rejet de cet endroit : il retournait peu voir sa famille et avait une certaine honte sociale à leur égard dont il n'avait pas conscience. Le metteur en scène développe :
"Je suis resté en revanche pudique à d’autres endroits de l’intrigue, car je n’étais peut-être pas prêt à parler de tout. J’ai voulu que mon personnage principal soit né en France et il l’a quittée en symétrie à ses parents qui sont venus y chercher une vie meilleure. Pour Nassim, la France n’est plus cette terre d’accueil mais ce « bled » dont il ne veut plus. Il s’en expulse. Ce qui n’est clairement pas mon cas. Il rejoint ces maghrébins qui partent dans les pays du Golfe parce qu’ils ne trouvent pas de boulot en France. Ça m’intéressait de savoir comment ces personnes se forgent avec cet héritage, avec cette ascension sociale, eux qui viennent souvent d’un milieu pauvre et non culturel. Superposer toutes ces couches était un pari que je voulais relever."
Côté mise en scène, Saïd Hamich était en terrain sensible et sa priorité était de signifier l’espace et donner la parole. Il ne voulait rien sur-interpréter, et surtout ne jamais chercher à saisir des détails de misère... Le réalisateur précise : "Retour à Bollène est un entrelacement, sans fioritures, de travelling sur les paysages et de gros plans sur les visages. Je voulais être proche des personnages. Pour cela, j’ai utilisé des focales courtes. Il me fallait être aussi au plus près des dialogues dans une optique de dualité, d’écoute, de sobriété... Les premiers travellings se font sans voix. On découvre les lieux à nu, sans pensées, sans interprétation. Les seconds sont associés à une voix off. Au début de l’intrigue, de son voyage, Nassim subit la ville avant que cette dernière n’infuse en lui. Ses mots et sa voix deviennent tout à coup intelligibles et s’apparentent à une véritable musique intérieure. Retour à Bollène évoque l’éloignement et le rapprochement simultanés, dans ce que cela a de plus extrême et de plus vertigineux."