Le film part du désir de réunir un groupe de femmes, contraintes de rester ensemble 24h sur 24. L’idée du pèlerinage s’est imposée par la suite. Les comédiennes en ont fait deux, un vrai et un faux. "Le vrai, c’était en 2014 et il a été effectué en compagnie de plusieurs groupes de pèlerins. Le faux a eu lieu en 2015. À cette occasion, les comédiennes ont fait le chemin ensemble, dans de vraies conditions. Je les ai accompagnées à distance sur le vrai pèlerinage et j’étais très proche d’elles sur le faux", confie le réalisateur João Canijo.
La part documentaire se loge dans presque toutes les situations que montre le film, selon João Canijo. La majeure partie des événements a été vécue par les comédiennes pendant les pèlerinages. Ici, la fiction se déguise en documentaire. "Pendant leur vrai pèlerinage, les actrices enregistraient des journaux audio qu’elles m’envoyaient. Ces journaux ont servi de base au scénario. Ensuite, pendant le faux pèlerinage où elles devaient rester dans leurs personnages en permanence, on a essayé de reconstituer les situations qu’elles avaient vécues. Puis nous avons passé environ deux mois sur place à travailler plus en profondeur le scénario qui était déjà esquissé."
Le casting s’est fait bien en amont. Ce sont les comédiennes qui ont trouvé leurs personnages. "Je ne les ai pas créés. Elles les ont construits pendant qu’elles marchaient vers Fátima", explique João Canijo. Le cinéaste a filmé les actrices de telle sorte que le spectateur puisse choisir ses héroïnes. Il a donc essayé de mêler différentes actions, de façon à ce que plusieurs se déroulent simultanément. "Dans cette mesure, je me suis inspiré de Matisse qui voulait que ses tableaux ne comportent pas qu’un seul sujet principal. Ce, de manière à ce que chaque spectateur puisse construire son propre sujet à l’intérieur du tableau. Si l’on regarde Les Ménines de Velásquez, on comprend mieux ce que Matisse a voulu accomplir plus tard. En multipliant les sujets dans une peinture - sans en privilégier un en particulier -, on peut offrir à celui qui le regarde plusieurs tableaux. Peut-être même un différent pour chaque spectateur. J’essaie de laisser du champ à l’imagination et à l’interprétation du spectateur pour qu’il puisse créer sa propre histoire."
Chaque actrice portait un micro qui enregistrait ses propos personnels. Ce dispositif a permis au montage et ensuite au mixage d’agencer les nombreuses conversations. Il aurait été impossible d’enregistrer les actrices qui marchent, uniquement au moyen de perches. "Bien qu’on les ait utilisées en renfort, le son aurait été trop faible. Quand le groupe marchait, les mouvements de la caméra étaient définis à l’avance, en fonction de ce que faisaient les actrices. Le cameraman savait qu’il fallait avancer ou ralentir de façon à cadrer telle ou telle interprète. De leur côté, les actrices avaient des indications pour synchroniser leurs actions quand la caméra s’approchait d’elles. Mais tout cela était assez souple, parce qu’il n’était pas question de saisir une action ou un dialogue sur le vif", révèle João Canijo.
Manoel de Oliveira a été le mentor de João Canijo : "Je l'aimais et je le chérissais énormément. Il a été pour moi un maître. Il m’a appris l’éthique et surtout l’honnêteté envers soi-même. Il m’a enseigné un concept fondamental : le cinéma, comme n’importe quel art, consiste à faire des choix. Des choix de sujet, de forme et de point de vue."