Le résumé peut laisser entrevoir le pire, je le reconnais… La comédie romantique mâtinée de surnaturel, c’est bien simple, on dirait du Guillaume Musso ! Et pourtant, il faut se laisser tenter par « Mon inconnue » qui ne manque pas de qualités. Long de presque deux heures, ce qui est beaucoup pour une comédie romantique, le film passe tout seul, ne s’octroyant que très peu de scènes superflues ou trop longues ou trop « fleur bleue ». Il y en a, bien entendu, sinon on ne serait pas dans une comédie romantique qui se respecte, mais Hugo Gélin ne se perd pas en route dans des dialogues trop « Harlequin », dans des scènes romancées sur fond de musique sirupeuse. Tout au plus, il cède à quelques petits effets un peu faciles et déjà très usités, comme le résumé de la vie de couple en accéléré sur fond de fous rires (à tel point que l’on frise l’overdose si on voit le verre à moitié vide, ou alors la parodie si on le voit à moitié plein). La musique est sympa mais pas envahissante, et surtout il mène son film sans que l’on sache comment il va finir et ça, dans une comédie romantique, pour le coup c’est assez rare.
Non pas que l’on doute que Raphaël va comprendre la leçon, mais comment : dans cette nouvelle vie, en retournant dans celle d’avant ou par une pirouette improbable type « Quatrième Dimension » ?
Au final, le scénario tient la route. Evidemment, il faut accepter le postulat uchronique de départ, maladroitement expliqué par Félix, le pote de toujours (toujours là, dans l’ancienne vie comme la nouvelle), Einstein, la relativité, les trous de ver et tout ça… Mais si on marche dans la combine, alors on comprend que Raphaël, devenu un sombre égoïste à cause du succès et de l’argent, doit réparer dans cette autre vie des erreurs de jugements de la première. Forcément, le temps qu’il se rende compte qu’il a changé de dimension, cela donne quelques scènes de quiproquos assez savoureuses mais une fois la postulat bien en place, on se demande avec lui s’il faut vraiment, à tout prix, retourner dans son ancienne vie ou s’il faut s’accommoder de cette nouvelle chance, en essayant de ne pas commettre deux fois les mêmes erreurs. En fait, le scénario est assez simple dans ses enjeux : Quand on réussit dans la vie, à quoi le doit-on, à son talent, à la chance, ou au sacrifice de quelqu’un d’autre ? Et ce qui vaut pour Raphaël vaut aussi pour Olivia,
qui ne semble pas si heureuse que cela dans sa nouvelle vie de star du piano
. Et elle, qu’est ce qu’elle choisira de sacrifier, elle qui a tout ce que l’ancienne Olivia n’a jamais pu avoir ? La fin du film est plus subtile que je n’avais envisagé et bien plus subtile que je ne le craignais et c’est une heureuse surprise. On n’a pas bêtement droit à un « happy end » des familles, à la sauce Hollywood mais à quelque chose de plus nuancé. D’un postulat de départ improbable, Hugo Gélin propose une comédie romantique réussie, pas bêtement fleur bleue, plus subtile qu’une comédie pure, plus profonde qu’un film romantique lambda. Soyons honnête, on en va pas crier au chef d’œuvre non plus, ce n’est pas un film qui fera date dans l’histoire du cinéma, ni même dans la filmographie d’Hugo Gélin ou de François Civil, mais quand même, c’est un joli petit film bien fichu. Au casting, car je n’en ai pas encore parlé, on trouve la nouvelle coqueluche du cinéma français, le très charmant François Civil et la délicieuse Joséphine Japy. Ils forment un couple adorable, parfaitement crédible et immédiatement attachant. François Civil, je pense que dans pas longtemps on le verra partout car on sent un beau potentiel chez lui, à l’image de la scène de début (très surprenante et visuellement très chouette) et on a intuitivement la certitude qu’il peut naviguer dans tous les registres, comme un Romain Duris par exemple. Civil et Japy sont à deux doigts de se faire voler la vedette par le second rôle masculin, Benjamin Lavernhe. Les quelques scènes où il donne une idée de son potentiel d’acteur et de son potentiel comique sont assez incroyables et on se dit que c’est du gâchis de n’offrir à cet acteur que des seconds rôles au cinéma. Il y a chez lui un potentiel qui ne demande qu’à exploser, et c’est dommage qu’il n’en ait pas encore eu l’occasion. Si l’on est OK avec l’idée de la comédie romantique fantastique, si on a envie d’un chouette moment de cinéma à la fois drôle (et même très drôle par moment) et tendre, et si on ferme les yeux sur les petits détails obligés du genre, alors on peut opter pour « Mon Inconnue » sans beaucoup de risque de le regretter.