Depuis le triomphe de "Un Jour sans Fin" (et même avant), les scénaristes, US surtout, ont réalisé le potentiel de renouvellement de la comédie romantique que représentait un point de départ " fantastique ", permettant de redistribuer les cartes de la fiction pour sortir un peu des codes usés. Il est logique que ce nouveau "genre", éminemment populaire d'ailleurs, commence à faire des émules en France, même si jusqu'à présent nous comptons peu de réelles réussites…
"Mon Inconnue", scénarisé et réalisé par Hugo Gélin (oui, le petit fils du grand Daniel Gélin et de la nom moins grande Danièle Delorme) passe très près de l'excellence. Il a tout d'abord pour lui un excellent script, qui envoie un jeune écrivain de romans de gare à succès dans une réalité parallèle, où il n'est qu'un obscur prof de français et où il n'a jamais rencontré sa dulcinée; le défi sera donc de séduire à nouveau cette femme, dans l'espoir que tout rentre dans l'ordre. Comme dans "Un Jour sans Fin", la morale voudra que le héros - lourdement antipathique de prime abord - lâche prise et change lui-même (au lieu de vouloir changer la réalité). D'où une source quasi infinie de possibilités de quiproquos comiques, mais aussi de tentatives de séduction malheureuses…
Au service de cette jolie histoire, François Civil, dont on connaît le talent, mais qui peine toutefois à représenter les aspects les plus négatifs de son personnage (alors qu'un vrai acteur comique sait que c'est justement là que se niche la possibilité d'une grande interprétation), Joséphine Japy parfaitement juste et délicieuse et, surtout,un Benjamin Lavernhe hilarant qui n'a qu'un seul défaut : voler toutes les scènes où il apparaît !
Bref, en si bonne compagnie le spectateur va rire, écraser sa petite larme, et sentir son cœur de midinette battre; signes irréfutables que nous sommes ici devant un film populaire parfaitement exécuté.
La seule réserve, mais elle est de taille, que j' émètte vient du fait qu'il y a derrière toutes ces jolies péripéties un vrai sujet : ce que l'on sacrifie de soi lorsque l' on s'embarque dans un couple, et le prix à payer pour quelque chose d'aussi délétère que l'amour. Nous sentons bien qu'il s'agit là du " coeur sombre" du film, autour duquel le script et la mise en scène de Gélin tournent sans vraiment oser s'y frotter. La capacité à élever la comédie vers "autre chose" ne semble plus exister depuis la disparition de Lubitsch et de Wilder. Je n' en veux pas pour autant à Gélin d' affleurer ce thème-là, pourtant essentiel, au cours des dix dernières minutes de "Mon Inconnue"... Mais, malgré tout, nous sommes passé bien près d'un grand film !