Jojo Rabbit est adapté du roman Le Ciel en cage de Christine Leunens publié en 2004. C'est par sa mère, une Néo-Zélandaise dont la famille juive russe a émigré au début des années 1900, que Taika Waititi a découvert le livre : "celui-ci m’a intrigué parce que cette histoire était racontée à travers le regard d’un enfant allemand endoctriné, éduqué à la haine par les adultes".
Le réalisateur a injecté dans cette histoire grave et sérieuse la tonalité comique de son univers. "Dans les films de Taika, le rire n’est jamais gratuit. Il y a des conséquences. Même si vous ne les voyez pas tout de suite, vous les sentirez. Il titille votre conscience", explique Leunens.
À l'instar de Charlie Chaplin, Ernst Lubitsch, Mel Brooks, Roberto Benigni ou encore Quentin Tarantino, Taika Waititi utilise l'humour pour évoquer Hitler et la Seconde Guerre mondiale : "Je ne voulais en aucun cas faire un drame classique sur la haine et les préjugés parce que nous sommes désormais beaucoup trop habitués à ce genre de films. [...] Alors, dans Jojo Rabbit, j’amène le public au bon état d’esprit en le faisant rire, et une fois qu’ils ont baissé la garde, je commence à semer ces petites doses de drame qui ont un poids sérieux et prennent leur place en eux".
Ce n'est pas la première fois que Taika Waititi met en scène des enfants dans ses films. Les héros de Boy et d'À la poursuite de Ricky Baker étaient déjà des garçons. Si dans le livre, le personnage de Jojo vieillit, ce n'est pas le cas dans le film. "J’étais intéressé à l’idée de voir la folie de la guerre et la haine, si manifestes chez les adultes, à travers les yeux d’un enfant. Nous autres adultes, sommes censés guider les enfants et les élever pour qu’ils soient meilleurs que nous. Pourtant, quand les enfants nous regardent en temps de guerre, les adultes doivent leur sembler ridicules et fous", explique-t-il.
De plus, il était important que Jojo soit clairement perçu comme un garçon de 10 ans qui ne sait vraiment rien de rien afin que le public s'attache à lui : "Il adore l’idée de s’habiller en uniforme et d’être accepté par le groupe. C’est comme cela que les nazis ont endoctriné les enfants, en leur faisant sentir qu’ils font partie de ce ‘club’ qui paraissait si cool".
Si le film est centré sur le petit garçon, le personnage de la mère, Rosie Betzler, tient un rôle primordial dans l'histoire. Inspiré par les femmes fortes de sa vie et par Ellen Burstyn dans Alice n'est plus ici de Scorsese, le réalisateur voulait que Jojo Rabbit soit aussi l’histoire d’une mère célibataire très forte qui essaie de sauver son fils tout en préservant son innocence.
Taika Waititi ne s’est pas retenu dans l’écriture : "En tant qu’artiste, on doit toujours se remettre en question. Si je ne redoute pas qu’un projet puisse être un désastre, alors c’est qu’il n’en vaut pas la peine. J’aime que mon travail soit assez risqué pour pouvoir échouer". C'est cette prise de risque qui a séduit les acteurs, dont Sam Rockwell : "La sensibilité de Taika puise ses influences chez Mel Brooks et les Marx Brothers, et il la mélange avec une narration incroyablement poignante et pertinente. Il marche avec brio sur la corde raide".
Plus de 1000 enregistrements d’auditions ont été visionnés pour trouver le jeune acteur qui interpréterait Jojo. Une recherche a été effectuée de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie jusqu’aux États-Unis et au Canada en passant par le Royaume-Uni et l’Allemagne. C'est Roman Griffin Davis, un jeune Britannique de 11 ans, qui a été choisi. Il s'agit de son premier rôle à l'écran. Il a travaillé avec la coach Rachel House, collaboratrice de longue date de Taika Waititi, qui a travaillé avec les jeunes acteurs principaux de Boy et À la poursuite de Ricky Baker. Dans le cadre de sa préparation, Roman Griffin Davis a fait des recherches sur les Jeunesses hitlériennes : "Ce que les nazis ont fait aux enfants était vraiment horrible. Ils voulaient une armée de fanatiques pour les aider à conquérir le monde. Je sais maintenant qu’il y avait des soldats de 16 ans sur les lignes de front – ils étaient terrifiés, mais ils étaient souvent aussi les plus courageux".
Non content de réaliser le film, Taika Waititi incarne Hitler, ou plutôt l'incarnation imaginaire de Jojo. Il n'était pourtant pas le premier choix pour ce rôle mais les acteurs rencontrés lors du casting étaient nerveux et mal à l'aise à l'idée de jouer ce rôle. "Moi je trouvais ça amusant parce que je ne l’ai pas réellement basé sur le vrai Hitler. Il est le fruit de l’imagination de Jojo, et sa connaissance du monde se limite donc à ce qu’un enfant de 10 ans en comprend. C’est le petit diable sur l’épaule de Jojo", raconte Waititi. Cette version fantaisiste du dictateur est loufoque et extravagante : "J’ai décidé de le jouer comme une version plus stupide de moi-même – si c’est possible ! – mais avec une moustache hitlérienne".
Taika Waititi tenait à montrer un monde plein de couleurs vives, même sous l'oppression de l'Allemagne nazie : "Dans de nombreux films se déroulant à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, tout le monde s’habille en marron et en gris, c’est un peu triste et daté. Mais si vous regardez la mode de l’époque, il y avait vraiment beaucoup de couleurs vives et de style". Le chef décorateur Ra Vincent précise : "Nous avons tous eu le sentiment d’avoir l’occasion unique de créer un look différent des autres films sur cette époque. Puisque le public voit le monde à travers les yeux de Jojo, notre palette créative pouvait non seulement utiliser la couleur, mais des couleurs plus intenses, et nous pouvions rendre les environnements plus joyeusement abstraits".
La ville natale de Jojo, Falkenheim, est fictive. La production s’est rendue à Žatec et Úštěk, deux petites de République tchèque, dans une région qui a autrefois été annexée par l’Allemagne et était sous occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans cet endroit qui n’a jamais été bombardé, les bâtiments d’avant-guerre ont conservé leur style d’antan.
La plupart des décors intérieurs ont été construits sur les plateaux des studios Barrandov de Prague, un lieu lourd de sens puisque ces mêmes studios ont servi à une propagande nazie pendant l’occupation allemande.
C'est le compositeur Michael Giacchino qui a persuadé Paul McCartney d'autoriser l'utilisation de la version allemande de I Want To Hold Your Hand des Beatles : "Nous avons eu de gros problèmes pour convaincre les gens de nous laisser utiliser leurs chansons pour une histoire sur Hitler".