On sent bien qu'à l'origine, le film a été pensé dans une « logique à Oscar », et en premier lieu afin que Nicole Kidman obtienne le second de sa carrière. Résultat : pas une nomination, y compris pour la splendide blonde. Soyons honnêtes : je ne suis pas sûr que cela aurait été mérité. Pas évident de trouver une réelle lisibilité dans la carrière de Karyn Kusama : démarrage en trombe avec « Girlfight » avant de se prendre le mur « Æon Flux » puis de rebondir gentiment avec le plaisant « Jennifer's Body » (je n'ai pas vu « The Invitation ») pour arriver à ce « Destroyer » : quatre films en vingt ans et toujours aussi difficile d'avoir une idée précise sur son talent. Visuellement ici, ça tient vraiment la route et l'univers, sombre, désespéré, fait un minimum son effet, la dimension poisseuse, un peu sale du récit étant bien décrite. Malheureusement, cette intrigue naviguant entre flashbacks d'un intérêt souvent mineur et enquête presque constamment banal n'aide vraiment pas, au point de trouver le temps long, voire de quasiment décrocher à plusieurs reprises. Pourtant, sans être franchement original, l'enquête jamais conclue réouverte des années plus tard ramenant l'héroïne à ses démons, c'est un canevas souvent efficace. Encore fallait-il des personnages auxquels on s'intéresse vraiment, des rebondissements prenants, des retournements : rien de tout ça, personne ne parvenant réellement à exister autour de la belle Nicole, à l'exception, peut-être, de Tatiana « Orphan Black » Maslany. Le pire restant toutefois Toby Kebbell : alors que celui-ci est censé incarner un baron de la drogue aussi insaisissable que dangereux, chacune de ses apparitions n'est pas loin d'être risible
(et je ne vous parle même pas de sa « chute » : il faut le voir pour le croire : se faire dézinguer comme un vulgaire figurant après seulement un ou deux échanges avec l'héroïne, whaou...)
: un énorme loupé dans l'écriture du personnage comme dans le choix du rôle. Reste Kidman, presque méconnaissable, cette présence presque animale, cette brutalité matinée d'une (très) légère empathie : même si je l'ai trouvé un long, le discours final à sa fille reste un beau moment de cinéma, sans doute le meilleur de l'œuvre. Bref, sans laisser totalement indifférent, « Destroyer », trop saturé visuellement tout en offrant quelques saillies, est certes l'occasion de nous rappeler la présence exceptionnelle de l'actrice (nous n'en doutions pas vraiment), mais surtout que le « film à Oscar », aussi crépusculaire soit-il, quand on a clairement pas le scénario pour, surtout si on se prend hyper au sérieux, ça ne le fera pas. Plutôt décevant.