Samuel Collardey est le réalisateur français, qui, dans la suite de Tavernier, est sans doute, parmi ses confrères, le plus authentique dans sa recherche d’une humanité plus juste et plus humaine. Une fois de plus, le réalisateur se plonge dans l’univers des gens de peu, comme dirait l’autre, non plus les immigrés de « Comme un lion » ou les agriculteurs, mais les groenlandais, qui vivent de pêche et de solitude, de froid, et de leurs traditions. L’histoire est celle d’un homme qui quitte son territoire de vie ordinaire pour le plus petit des villages où il espère enseigner à des enfants le danois. Mais la tâche se révélera plus difficile que prévue, car non seulement notre jeune instituteur se confronte au poids des représentations culturelles mais en sus, il doit faire avec des enfants plus intéressés par la pêche que l’apprentissage de la langue dominante.
Il faut attendre le générique de fin pour se rendre compte que le film n’est pas tant une fiction qu’un documentaire. Magie de la mise en scène qui joue avec la caméra, la position des acteurs, comme s’il affirmait avec force le caractère narratif. Et pourtant, le spectateur apprend, non sans émerveillement, que cet instituteur parti faire ses armes dans ce village, y demeure toujours. La magie est partout dans ce cinéma de l’extrême, qui pourtant, choisit la simplicité et l’intimité du regard croisé d’un jeune enfant et de son instituteur.
L’exploit de la mise en scène est doublement salutaire dans la mesure où le cinéaste s’est confronté à plusieurs langues dont le danois et le lapon. On peut imaginer les difficultés pour guider la caméra, la position des personnages, quand il y a le barrage de la langue. A cela s’ajoute la difficulté d’un territoire, certes magnifique, mais d’abord complexe. Les animaux sauvages sont partie prenante de ce conte moderne qui rappelle la délicatesse et la poésie d’un libre d’Hemingway comme « Le Vieil Homme et la Mer ». Il faut saluer aussi une photographie magnifique, s’agissant notamment des vues du ciel sur les glaciers, ou celles prises du bateau où l’on admire les falaises de glace.
« Une année polaire » est un très joli film qui permet au spectateur de voyager dans une contrée lointaine et inconnue, qui, soudain, au détour d’une aurore boréale, devient une œuvre poétique et universelle.