Peut-on employer le mot d’« inculturation » pour définir le sujet de ce film ? Oui, pourquoi pas, dans la mesure, toutefois, où il est permis de l’utiliser sans se référer trop étroitement au christianisme (même si l’une des scènes du film nous fait assister à une leçon de religion, sur Martin Luther, assénée à des enfants qui, manifestement, s’en soucient comme d’une guigne !).
Samuel Collardey s’est plus ou moins spécialisé dans la réalisation de films mettant en scène des protagonistes jouant leurs propres rôles. Et c’est le cas, à nouveau, dans cette nouvelle oeuvre dont on ne sait, par conséquent, s’il en faut en parler comme d’un documentaire ou comme d’un film de fiction (les deux à la fois, probablement). Toujours est-il qu’on a affaire, dans ce film, à un Danois prénommé Anders qui, alors qu’il pourrait bientôt se consacrer à l’exploitation de la ferme familiale, choisit, au contraire, de s’en éloigner le plus possible en allant exercer le métier d’instituteur dans un village groenlandais totalement isolé qui ne compte que 80 âmes.
Or c’est cette expérience de déracinement radical qui, petit à petit, fait évoluer le regard d’Anders. Lui, à qui la femme qui l’avait recruté pour ce travail avait recommandé de ne pas apprendre le groenlandais afin de contraindre les Inuits à parler le danois, se trouve bientôt confronté aux pires difficultés, à commencer par celles que lui pose une classe d’enfants pour le moins turbulents. On a vite compris, dès les premières scènes se déroulant au Groenland, que, pour les Inuits, les Danois sont un peuple colonisateur ayant tendance à mépriser les autochtones. Et c’est un reproche auquel n’échappe pas Anders.
Son chemin d’« inculturation », c’est donc de descendre de sa chaire d’enseignant pour vivre à la manière des Inuits, quitte à accepter que, pour un enfant de ce peuple, apprendre à chasser est aussi important, voire plus important, que d’aller à l’école. Pour changer son regard, il faut qu’Anders ose l’aventure du peuple inuit, celle, par exemple, de la chasse à l’ours blanc.
On le devine, dans un tel film, on a évidemment droit à de superbes scènes de nature : à une aurore boréale, à des paysages encore sauvages, à des sorties en traîneaux tirés par des chiens, etc. Cela étant dit, malheureusement, on est en droit de rester un peu sur sa faim. L’approche du réalisateur, peut-être à cause de l’aspect documentaire du film, n’approfondit pas suffisamment les motivations des personnages. Et l’on a un peu le sentiment qu’il ne fait qu’effleurer son sujet.